Le tirage au sort a placé l’Algérie dans un groupe qui comprend la Belgique, la Russie et la Corée du Sud. Pour certains, c’est un tirage plutôt clément alors que Halilhodzic pense que l’Algérie est la plus faible du groupe. Quel est votre avis ?
Je trouve que c’est un groupe qui n’est pas facile.
Donc, vous rejoignez l’avis de Halilhodzic sur la question ?
Ah, oui ! Je ne dis pas que c’est un groupe facile. La Belgique, vous l’avez vu jouer ? C’est une très, très bonne équipe. La Russie, quant à elle, a toujours été bonne dans les compétitions à enjeux officiels. Cela dit, l’équipe d’Algérie est capable de battre n’importe qui. Elle peut se montrer d’un niveau exceptionnel sur certains matches. Ce n’est donc pas la Belgique et la Russie qui feront peur à l’Algérie, mais ce n’est pas un groupe qui sera facile. Pour sortir de la poule, ce sera compliqué.
Pensez-vous que la sélection actuelle, dont la composante a changé par rapport à celle du Mondial-2010, est capable de passer au second tour ? C’est bien, comme vous l’avez dit, qu’il y ait la continuité et d’être constant dans les participations, mais l’Algérien attend que sa sélection passe au deuxième tour pour la première fois depuis l’Indépendance…
Moi aussi, je vous rassure, j’attends que l’Algérie passe au deuxième tour et même plus (sourire) !
Cette équipe est-elle capable de le faire ?
Bien sûr qu’elle est capable de le faire ! Le plus important, c’est quoi ? C’est d’avoir des joueurs de qualité et un entraîneur qui tend dans la même direction et je pense que le sélectionneur est en train de mettre quelque chose en place. Dans une compétition, il y a un enjeu. Il faut juste arriver le jour J bien préparé. Donc, la préparation est très importante. Tout sera important pour l’Algérie, mais footballistiquement parlant, elle est capable de tout. Elle en est capable parce qu’elle l’a déjà montré. Elle a fait de mauvais matches, mais elle a fait aussi de beaux matches. Quand vous êtes capable de faire de beaux matches, ça veut dire que vous êtes capable de faire de belles choses. Si l’Algérie n’avait jamais fait de bons matches ou n’avait jamais gagné des matches en étalant du beau jeu, ce serait compliqué, mais j’ai déjà vu l’Algérie bien jouer et, par conséquent, elle est capable de faire de beaux matches et de passer au deuxième tour.
Plusieurs internationaux algériens évoluent en Liga : Sofiane Feghouli, Medhi Lacen, Yacine Brahimi, Hassan Yebda… Que pensez-vous de chacun d’eux ?
Hassan Yebda est un bon joueur même si ces derniers temps, il n’a pas joué très souvent et c’est dommage (entretien réalisé avant le départ en prêt de Yebda vers Udinese, ndlr). J’ai vu jouer Brahimi, notamment il y a quelques jours contre le Real Madrid. Il a beaucoup de qualités.
Plusieurs médias espagnols ont fait ses éloges en affirmant qu’il est l’un des meilleurs techniciens de la Liga. Etes-vous de cet avis ?
En tout cas, techniquement, c’est difficile de lui enlever le ballon, c’est sûr ! Je suis d’accord pour dire qu’il est parmi les meilleurs de la Liga sur le plan technique. Nous avons joué contre Granada il n’y a pas longtemps et c’est ce qu’il a fait au Bernabeu : il prend le ballon, il est capable de dribbler, de faire la différence… Il peut faire de belles choses. C’est pour ça que l’équipe d’Algérie a la chance d’avoir ce genre de joueurs. Ils jouent en Liga. Même s’ils sont dans des clubs moyens et qu’ils ne sont pas au Real ou à Barcelone, ils jouent quand même dans un championnat qui n’est pas facile. Ils arrivent à faire la différence et à marquer des buts, que ce soit Feghouli ou Brahimi. Yebda a peu joué. D’ailleurs, il n’a pas joué contre le Real. En résumé, avec ces joueurs, il y a de quoi faire.
Plusieurs joueurs algériens évoluent dans de grands clubs sans forcément avoir du temps de jeu : Ishak Belfodil à l’Inter, Nabil Ghilas à Porto, Islam Slimani au Sporting… Pensez-vous qu’ils peuvent apprendre dans de grands clubs même en jouant peu ou bien pensez-vous que mieux vaut être dans un club moyen où on peut jouer régulièrement ?
Il faut jouer tout le temps ! Vous ne pouvez pas progresser sans jouer. Si vous êtes un jeune joueur, comme au Real où il y a un ou deux joueurs pour qui c’est important de s’entraîner aux côtés de joueurs comme Ronaldo, vous avez le temps partir dans un autre club. Rester ici, s’entraîner un ou même deux ans sans trop jouer n’est pas bien grave pour un jeune joueur. Cependant, quand vous êtes un joueur confirmé, comme les joueurs que vous avez cités, vous avez besoin de jouer pour être bon. Quand vous ne pouvez pas jouer, vous ne pouvez pas être bon. Ce n’est pas possible ! Surtout pas dans une compétition comme la Coupe du monde. C’est mon avis.
Donc, pour vous, rien ne remplace la compétition ?
Oui, rien ne remplace la compétition, c’est sûr et certain. Ni les entraînements, ni les entraînements doublés. La compétition, c’est la compétition. Rien ne peut la remplacer. Moi, je préfère être dans un club moyen et jouer. Après, c’est bien d’avoir l’ambition de partir dans un grand club comme cela s’est passé pour Belfodil à qui on a certainement expliqué qu’il finira par avoir du temps de jeu, mais il ne faut pas que ça dure pour lui. On ne peut pas rester comme ça, sans jouer, deux ou trois ans.
Il devrait partir aux Queens Park Rangers avant la fin du mercato (entretien réalisé avant que Belfodil n’opte, lors du dernier jour du mercato, pour Livourne, ndlr)…
C’est parce qu’il faut qu’il joue et il le sait. S’il part, c’est parce qu’il a une échéance qui est la Coupe du monde et il veut la jouer. Je trouve que c’est bien.
Halilhodzic a été clair avec les joueurs en manque de temps de jeu : s’ils ne jouent pas régulièrement dans les deux mois qui viennent, ils risquent de perdre leur place…
C’est logique. Lui et moi parlons le même langage (sourire).
Vous connaissez sans doute le trophée du Ballon d’Or algérien puisqu’en 2005, vous aviez remis symboliquement le trophée au lauréat de l’époque…
Oui, Saïb…
Exactement. Le lauréat du Ballon d’Or 2013 est un footballeur formé en Algérie, Islam Slimani, meilleur buteur de l’Algérie lors des éliminatoires pour le Mondial. Pensez-vous qu’il pourra réussir au Sporting où il commence à se faire connaître après une période d’adaptation ?
En général, quand on fait une grande saison, même si c’est dans le championnat algérien, et qu’on gagne le Ballon d’Or, c’est qu’on a la capacité de faire autre chose. Peut-être qu’on a un meilleur championnat ici, en Espagne, mais le Portugal a un championnat très intéressant avec de très bons joueurs. Donc, pour moi, il peut s’imposer. En tout cas, quand vous êtes Ballon d’Or, vous avez aussi la confiance pour pouvoir vous imposer dans n’importe quel championnat.
Les Fédérations algérienne et française de football se sont entendues sur le principe d’organiser un match amical Algérie-France qui, vraisemblablement, devrait avoir lieu en Algérie. Serez-vous présent pour assister à cette confrontation ?
J’aimerais être présent et vous dire que j’y serai parce que c’est toujours intéressant de voir ces matches-là. Moi qui suis des deux côtés et qui ai eu la chance d’avoir fait un match à Paris, c’est sûr que j’aimerais être présent, mais, aujourd’hui, je ne décide plus de ce que je fais ou ne fais pas.
Le match se déroulera sans doute à une date FIFA et, par conséquent, vous devriez être libre pour aller assister à ce match…
Je ne sais pas… (Il observe un court moment de silence) S’il y a possibilité, c’est avec plaisir que je viendrai.
Le principe même de conclure ce match est en soi un événement…
C’est ce que j’allais vous dire. Je suis content que ce match ait lieu. Je l’avais dit à l’époque déjà, quand le match a eu lieu à Paris (en 2001) et que j’étais joueur : c’est bien que ce match ait lieu, mais cela aurait été encore mieux s’il avait eu lieu en Algérie. Aujourd’hui, on en est là.
Il y a eu un tournoi gala en Futsal auquel vous aviez participé à Alger en 2010 avec l’équipe de France 1998. Quelle image en gardez-vous, sachant que tous vos coéquipiers qui y avaient participé étaient enchantés ?
En Algérie, de toute façon, c’est ça : tout est fait avec passion et ça se sent. Il y a des images qui me reviennent. Je ne vais pas beaucoup en Algérie, mais le peu de fois où j’y suis allé, j’étais transporté par l’amour des gens. Moi, c’est là-dedans (il porte sa main sur sa poitrine au niveau du cœur, ndlr). C’est dans le cœur, c’est mes origines, c’est ma fierté, c’est mes parents. Ce sont mes parents qui ont fait de moi l’homme que je suis aujourd’hui. A chaque fois qu’on peut y retourner, on le fait avec beaucoup de plaisir.
Vous aviez assisté au match Algérie-Slovénie du Mondial-2010. Le capitaine de l’Algérie, Madjid Bougherra, a récemment déclaré qu’il souhaiterait que vous assistiez à l’un des matches des Verts au prochain Mondial et même de vous voir rendre visite à l’équipe dans le vestiaire. Visiblement, la visite que vous leur aviez faite il y a quatre ans leur avait fait du bien…
C’est vrai que j’étais allé les voir. J’étais à Marseille et j’avais appris qu’ils se préparaient au Castellet. Comme j’avais deux-trois jours, je me suis dit qu’il fallait que j’aille les voir. Si ça doit se renouveler, je le ferai, mais peut-être que je ne serai pas au Brésil cette année.
Mais si vous y serez, ce serait avec joie que vous irez les voir ?
Evidemment. Avec grand plaisir.
Le même Bougherra a créé, il y a un an et demi, une fondation pour venir en aide aux enfants et il a exprimé le vœu publiquement de vous rencontrer dans le cadre de sa fondation. Seriez-vous prêt à l’accompagner, d’une manière ou d’une autre, dans son projet ?
(Il fait une moue exprimant le regret) Je fais déjà beaucoup de choses. J’ai déjà une fondation qui active en Algérie. Par contre, je l’encourage à continuer dans ce sens-là et j’encourage d’autres personnes à faire des choses comme je l’ai fait ou comme lui les fait, c’est-à-dire s’occuper des autres car c’est plus gratifiant dans la vie de s’occuper des autres que de s’occuper toujours de soi-même.
On va vous citer quelques déclarations que des stars que nous avons interviewées ont dites sur vous, en vous demandant de les commenter.
Allez-y.
Xavi, joueur du FC Barcelone, nous a dit que Zidane est, certes, un grand joueur balle au pied, mais même quand on lui subtilise le ballon, il fait un gros effort pour le récupérer comme un vrai guerrier…
Défendre n’était pas ma fonction première. Je ne défendais pas toujours bien, mais j’avais la volonté de récupérer le ballon quand on me l’enlevait. Donc, oui, j’étais agressif pour récupérer le ballon. Heureusement, d’ailleurs (sourire) !
L’ancien international argentin de Valence, Ayala, nous a dit qu’il aimerait bien savoir combien Zidane chausse car il écrase le ballon mieux que quiconque, d’un seul geste…
(Il nous montre son pied en riant) Vous voulez connaître ma pointure ? Je chausse du 45.
L’entraîneur italien Marcello Lippi nous a déclaré qu’il vous avait surpris un jour, du temps où vous jouiez à la Juventus, en train de jouer un match de quartier…
En fait, c’était avec Edgar Davids. Il voulait qu’on joue dans les quartiers. Je lui disais que nous nous entraînions tous les jours et que nous ne pouvions pas aller jouer avec des jeunes dans la rue. Alors, il me disait : «Toi, tu as changé ! Tu ne te rappelles plus de ton quartier et ce que tu faisais avant.» Alors, une ou deux fois, je suis allé avec lui. Mais il le faisait très souvent. C’était impressionnant parce qu’on s’amusait, mais c’était fou aussi d’aller, après un entraînement, jouer sur du goudron avec des jeunes. Lui le faisait très, très souvent. Dans l’une des rares fois où j’étais allé avec lui, je me suis fait attraper (rire).
Lippi nous a dit que l’explication que vous lui aviez donnée est que les jeunes avec qui vous jouiez étaient des Algériens et que vous ne pouviez pas leur refuser de jouer avec eux…
Il y avait de tout. Il n’y avait pas que des Algériens. C’est justement pour ça que Davids allait jouer ces matches. Il savait qu’il y avait des jeunes de toutes les nationalités : d’origine maghrébine, africaine… Il y avait plusieurs communautés et il voulait le mélange. C’est ce qui lui plaisait. Il allait jouer pour ça. Si ça avait été juste des copains italiens, il ne serait pas allé.
Au Qatar, justement, votre fils Luca, celui qui est gardien de but, s’est illustré dans un tournoi de jeunes et a épaté les présents. Voyez-vous en lui un futur grand gardien de but ?
En tout cas, il travaille bien et il a les qualités pour faire quelque chose. C’est toujours pareil : quand vous avez des qualités à la base, vous pouvez toujours réussir. Cela dit, il doit attendre. Il est jeune, tout juste 16 ans. Ce que j’aime bien chez lui, c’est qu’il a la gniak, l’envie, il s’entraîne beaucoup pour progresser, il écoute. Il a tout pour réussir.
Vous n’avez pas beaucoup de conseils à lui donner puisqu’il est gardien de but (rire)…
D’ailleurs, je ne lui donne pas beaucoup de conseils. Je ne lui dis pas qu’il faut plonger comme ci ou parer la balle comme ça (rire).
N’est-ce pas surprenant que le fils d’un grand joueur de champ choisisse d’être gardien de but ?
C’est peut-être surprenant, mais je vais vous expliquer pourquoi. Il y avait Enzo et Luca et, lorsque je terminais l’entraînement, nous jouions tous les trois ensemble chaque jour. Pour jouer, il y a toujours un qui tire et un qui arrête. Donc, il fallait un gardien de but. Le plus grand choisit toujours le beau rôle et donc c’était Enzo qui tirait et Luca qui faisait gardien de but. En plus, ça lui allait, au point où il disait : «Papa, je veux jouer gardien de but.» Au départ, ce n’était pas prévu qu’il fasse ça, mais à force de plonger tous les jours, il m’a dit qu’il voulait faire gardien de but parce que ça lui plaît. Je lui ai dit : «Vas-y.» Je dois dire qu’avec les pieds, il n’est pas mauvais. Il aurait pu jouer joueur de champ avec les jeunes. Pas forcément pour devenir professionnel, mais il pouvait jouer comme son frère le faisait parce qu’il savait jouer avec ses pieds, mais il a fait son choix. C’est comme ça que ça s’est passé.
Lors que vous étiez à Bordeaux, vous aviez eu comme entraîneur Rolland Courbis. Ce dernier a entraîné durant une année en Algérie, gagnant deux titres et faisant le régal des journalistes par ses déclarations anticonformistes. Etes-vous surpris par sa réussite en Algérie et aussi par le fait qu’il soit plaisant et un bon client pour les journalistes ?
Ça ne m’étonne pas qu’il soit aussi plaisant pas seulement pour les journalistes, mais pour tout le monde. Pour les joueurs aussi parce qu’il est bon, parce qu’il est très fort, parce qu’il est très fin, parce qu’il a de l’expérience et parce qu’il a son charisme.
Il aime même les Algériens…
Ah, oui ! Je sais qu’il aime les Algériens.
Dans les conférences de presse, il disait : «Attention, je comprends même les gros mots !»
(Rire) J’ai eu la chance de l’avoir comme entraîneur. C’est aussi lui qui m’avait protégé à Bordeaux parce que je venais d’arriver de Cannes. De temps en temps, il me faisait jouer juste 60 minutes, avant de me sortir. Il faisait attention à moi. Il me disait : «Toi, il ne faut pas que tu joues une heure et demie ! Sinon tu te feras griller. Tu joueras un an et puis, c’est fini.» Il avait raison, à l’époque. Il m’avait fait jouer petit à petit. Après, nous avions fait un beau parcours en Coupe d’Europe. Il m’avait protégé pour me faire grandir. Donc, il a été un entraîneur important pas seulement pour l’équipe qu’il a entraînée en Algérie. Il a été important aussi pour moi.
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