Dans cet entretien exclusif, Essaid Belkalem ouvre son cœur aux lecteurs du Buteur et évoque pour la première fois avec nous plusieurs sujets touchant la situation de son ancien club, la JSK, de sa nouvelle équipe, de sa nouvelle vie en Turquie et revient aussi sur ce mauvais souvenir dû à sa grave blessure aux adducteurs contractée en plein CHAN 2011 au Soudan qui l’avait, pour rappel, éloigné des terrains durant une saison. Essaid, affable et assez ouvert, dresse une petite comparaison entre l’ancien driver des Verts, Vahid Halilhodzic, et son actuel patron en sélection, Christian Gourcuff.
Entretien !
Merci Essaid de nous avoir accordé de votre temps, on aimerait d’abord connaitre votre train de vie ici au Trabzon…
Comme chaque sportif, on travaille beaucoup sur le terrain, après on est à la maison pour se reposer. Parfois on essaye de sortir un peu pour manger ensemble et échanger des discussions et idées entre nous. Ça me permet de me décontracter un petit peu, voilà…
Votre coéquipier Carl Medjani est arrivé bien après vous, ça se passe comment avec lui ?
Franchement je suis content de jouer avec mon ami Medjani. Je suis arrivé ici à Trabzon bien avant lui et lorsque j’ai appris la nouvelle de son arrivée, ça m’a fait énormément plaisir.
Vous le trouvez comment sur le terrain et en dehors ?
C’est un gentil gars, c’est quelqu’un de très proche de ses camarades, que ce soit en sélection ou en club et cela, sincèrement, m’a aidé à vite m’adapter et ça nous a aussi facilité la tâche pour nous imposer. Sur le terrain, on forme un duo soudé, parce qu’on est amis avant toute chose. On se conseille mutuellement et j’essaye de tirer profit de sa grande expérience professionnelle.
Du coup, ce duo algérien a fait couler beaucoup d’encre, on parle de vous deux ici en Turquie…
Je sais qu’on va être très attendus, tout comme Carl, c’est Halilhodzic qui m’a ramené dans ses valises, mais cela ne devrait pas poser de problèmes pour nous, bien au contraire, ça va nous pousser à travailler dur et à redoubler d’efforts pour continuer à jouer plus régulièrement. On sait aussi que le club a fait d’énormes efforts financiers pour nous recruter, donc à nous de donner le meilleur de nous afin de prouver que nous méritons bien d’être dans cette équipe.
Le fait d’avoir été recruté par Vahid Halilhodzic vous a-t-il facilité l’intégration ?
Halilhodzic nous a beaucoup plus aidés à mieux nous adapter à notre nouvelle vie en Turquie, mais après, sur le terrain, chacun de nous devait prouver à l’entraînement qu’il méritait de jouer. On devait s’imposer au sein de notre groupe et c’est ce que nous avons fait, mon ami Medjani et moi, en montrant une bonne entente avec les joueurs turcs et les autres joueurs étrangers qui composent notre groupe.
Vous êtes-vous bien adaptés à cette vie en Turquie ?
Oui, très bien, c’est un pays musulman, on entend l’appel à la prière tout le temps et franchement cela m’aide énormément à m’adapter ici à Trabzon. Et puis, la géographie de ce pays et les traditions sont bien similaires aux nôtres en Algérie. Mis à part un peu la gastronomie qui est différente, le mode de vie est le même.
Cela vous rappelle votre Kabylie natale ?
Les montagnes et les plaines à Trabzon me font rappeler la Kabylie où j’ai grandi. Croyez-moi, même leurs traditions ressemblent beaucoup à celles du peuple kabyle. C’est une région culturelle et conservatrice qui me fait vivre mon chez moi en Kabylie. Trabzon incarne surtout les valeurs ancestrales de la Kabylie. C’est aussi une région symbole en Turquie, donc voilà, on n’est pas du tout loin de Tizi Ouzou (rires). Le climat aussi n’est pas défavorable pour nous.
Quelle différence pouvez-vous faire sur le plan de la religion par rapport à l’Angleterre où vous avez joué à Watford ?
C’est vrai, en Angleterre par exemple, on pouvait bien pratiquer notre religion mais ici en Turquie on la vit pleinement. Franchement, lorsque vous entendez Al Adhan (l’appel à la prière) et vous constatez cette foule qui se dirige vers la mosquée, notamment le vendredi, on se sent vraiment en Algérie, Hamdoulillah.
D’où avez-vous ramené cette faculté de faire la différence en marquant des buts ?
C’est ma mentalité, j’aime bien monter sur les balles arrêtées pour essayer de donner un coup de main offensif à mon équipe. Pour le moment ça marche très bien puisque j’arrive à marquer, je suis là, je réponds présent et je dirais que j’ai eu de la chance mais j’étais là bien placé.
L’Algérie à la 15e place mondiale, avant ce match contre le Mali, parlez-nous un peu de cela ?
Ça nous honore, on a beaucoup bossé, on est en train de récolter le fruit de notre travail, on a trop souffert, on s’est sacrifié pour en arriver là et, Dieu merci, nos efforts n’ont pas été vains.
A qui revient le mérite ?
A tout le monde. Après, c’est le travail et le mérite conjugués de deux périodes. D’abord il y a eu la période Vahid Halilhodzic, qui était beaucoup plus dans la construction et qui a réussi à hisser notre équipe très haut, notamment avec un mondial historique réussi sous sa coupe. Par la suite il y a la période de la continuité avec le coach Gourcuff, qui est à mon sens la plus difficile à réaliser, mais voilà il a su maintenir notre bonne dynamique et instaurer un schéma de jeu qui favorise notre progression.
Pouvez-vous nous donner une similitude ou une différence entre les deux coachs ?
Ils sont différents dans la philosophie de travail et dans la gestion du groupe, voilà, chacun sa méthode, il y a aussi quelques différences dans les consignes tactiques. Chacun sa vision du jeu et du football.
Ça ne vous dérange pas ?
Non, pas du tout, on est des professionnels, moi personnellement je me retrouve facilement dans les deux méthodes. On n’a pas le choix et puis j’ai eu une bonne expérience à la JSK où j’ai connu plusieurs mentalités et méthodes d’entraînements durant mon passage dans ce grand club où j’ai côtoyé des entraîneurs de haut niveau qui m’ont permis d’arriver là où je suis.
Qu’est-ce qui a motivé votre choix pour Trabzon ?
L’année passée je n’ai pas trop joué, je voulais donc me relancer ici à Trabzon, surtout que c’est l’entraîneur Halilhodzic qui me voulait. Il a été pour beaucoup dans mon choix malgré les quelques offres que j’ai reçues. Il faut dire aussi que cela ne dépendait pas de moi, parce que je suis ici en prêt, j’appartiens toujours à Watford.
Avez-vous rêvé un jour de disputer une phase finale de Coupe du monde et affronter l’ogre allemand en huitième de finale ?
Sincèrement, après la longue convalescence que j‘ai connue due à une grave blessure contractée il y a 3 ans, je n’ai jamais pensé pouvoir rejouer au football et retrouver ce haut niveau. Voilà, après, revenir aussi fort pour disputer une phase finale de Coupe du monde et deux matchs historiques contre la Russie et l’Allemagne est un vrai conte de fées.
C’était très dur contre l’Allemagne pour vous, non ?
Oui, c’est vrai, on a souffert notamment lors des prolongations, n’oubliez pas que nous avons joué ce match en ayant jeûné. Mais Hamdoulillah, tout s’est bien passé.
Parlons de la JSK et de ses difficultés, cette saison, suivez-vous le parcours de votre ancien club ?
Bien évidemment, La JSK c’est mon club, je ne changerai pas. Après, mon équipe a connu quelques difficultés après le départ de l’entraîneur Broos, c’est toujours difficile de gérer cette période-là. Les joueurs ont bien réagi face au Mouloudia, mais ce n’est pas fini, le parcours est encore long.
La JSK joue sans ses supporters, quel est votre sentiment ?
C’est triste ! Franchement, je sais ce que ça signifie la JSK, pour les Kabyles surtout lorsqu’on sait que c’est grâce à ces mêmes supporters que le club de la Kabylie a vu sa notoriété grandir. Ce sont les piliers de notre club. Aucun joueur ne peut être motivé sans l’apport des supporters. Ce sont eux l’âme de la JSK.
Par contre le MOB est leader, ça vous surprend?
Oui, un petit peu, mais je pense que c’est mérité, cette équipe réalise un excellent parcours; C’est une fierté pour la région !
Ecartée de la Coupe d’Afrique, cela semble aussi avoir eu son effet, non ?
Bien sûr. D’ailleurs, je me suis vite mis dans la situation des joueurs, depuis le décès d’Ebossé. A présent, on n’a pas le temps de pleurer, il faut réagir, il faut défendre les couleurs du club. Je sais que c’est difficile et qu’il y a une grande pression en ce moment, mais je crois que les joueurs peuvent se surpasser et sortir le club de ce marasme.
Tout cela à cause du décès tragique d’Albert Ebossé, comment avez-vous vécu cela ?
Ça m’a fait mal parce que cela s’est produit au moment où personne ne s’y attendait. J’ai encore du mal à croire qu’Ebossé est mort à Tizi Ouzou, je suis très triste, je connaissais bien Ebossé à Tizi Ouzou. C’est un gentil garçon qui ne peut pas faire de mal à une mouche.
C’était un ami pour vous ?
Oui, je l’ai connu lors d’un match de Coupe d’Algérie à Bologhine contre l’USMA, en fin de match, après la qualification de notre équipe, Ebossé s’est jeté dans mes bras et franchement je ne m’attendais pas trop à cette gentillesse. Je l’avais invité chez moi pendant le Ramadhan, mais finalement le pauvre n’est pas venu en raison de certains imprévus.
Que représentait pour vous la légende Matoub Lounès ?
Matoub est un leader de la région, il nous a, à travers ses chansons dédiées à l’amour et aux problèmes sociaux, donné des leçons de la vie. En l’écoutant, on comprend mieux ce que le peuple kabyle attend de cette équipe qu’est la JSK. C’est une source d’inspiration, c’est une figure emblématique de notre région.
Un mot par rapport à la consécration de l’Entente de Sétif ?
Je suis ravi pour l’Entente de l’Algérie. Elle nous a fait honneur, c’est vraiment magnifique, surtout que cela intervient juste après un bon Mondial de l’Algérie. Je veux féliciter Madoui et toute son équipe qui ont démontré que le football algérien sait construire des triomphes. Il suffit d’y croire.
Essaid, revenons à l’EN, le peuple veut la Coupe d’Afrique, votre réaction pour clore cet entretien ?
C’est légitime de la part de nos supporters, surtout après notre excellent parcours en Coupe du monde et par rapport à ce parcours presque sans faute réalisé en éliminatoires de la CAN 2015, mais il faut garder les pieds sur terre. Il ne faut pas oublier la CAN 2013, il faut éviter de s’enflammer. On ne peut pas priver les gens de rêver, mais la seule chose qu’on peut leur promettre c’est de tout donner sur le terrain.
Un dernier mot, peut-être ?
Je voudrais profiter de cette occasion pour lancer un appel au peuple algérien. J’appelle donc mes compatriotes à donner la meilleure image de notre pays en évitant de verser dans la violence. On est un peuple qui adore le football, mais cela ne devrait pas nous pousser à l’irréparable. Il faut rester sportif et inch’Allah ensemble nous allons réaliser de grands succès.
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