C’est dans sa demeure familiale à Sarcelles, située dans la région parisienne, que le nouveau renfort des Verts, en l’occurrence Riyad Mahrez, nous a reçus. Entouré de son grand frère, ses deux sœurs, sa maman ainsi que ses amis, le sociétaire de Leicester, qui fera ses premiers pas avec la sélection nationale ce samedi à l’occasion du stage de pré-Mondial, a répondu à toutes nos questions sans détour. Il a accepté pour la première fois dans les médias de parler de ses origines marocaines et de livrer les raisons qui l’ont poussé à devenir un Guerrier du désert et non un Lion de l’Atlas. On en a profité pour faire le tour de son actualité et d’évoquer avec lui la prochaine Coupe du monde qu’il pourrait très bien disputer. De nature réservée, Mahrez n’a esquivé aucune question et s’est livré en toute franchise pour les lecteurs du Buteur. Une première longue interview qu’il accorde à un média algérien qu’on vous invite à lire…
Merci de nous recevoir dans votre domicile familial…
Il n’y a pas de souci. Vous êtes le bienvenu.
Votre transfert l’hiver dernier à Leicester est venu au bon moment, n’est-ce pas ?
Exactement, même si au début je n’étais pas très chaud pour y aller. Je ne regrette pas mon choix, surtout qu’à la fin, on a fini champions.
Vous attendiez-vous à vivre toutes ces sensations en même pas cinq mois ?
Déjà à mon arrivée, le club était premier. J’étais confiant et ce que je vis depuis quelques semaines, ce n’est que du bonheur.
Beaucoup de clubs vous voulaient l’hiver dernier, notamment Torino, mais vous avez choisi Leicester. Pourquoi ce choix ?
A la base, il y avait des clubs de Ligue 1 aussi qui me suivaient, comme Montpellier et Nice, mais il n’y avait rien de concret. Ensuite, Leicester a fait une offre et ses responsables sont venus me voir plusieurs fois. J’ai senti vraiment que ce club me voulait et ses dirigeants ont su me convaincre. Par la suite, mon entourage m’a convaincu d’accepter ce challenge. Je peux dire que je suis parti à l’aventure.
Vous avez quitté la France à 23 ans pour un autre pays et un championnat très physique, n’aviez-vous pas des appréhensions ?
J’avais un peu peur, je ne vous le cache pas, surtout par rapport à la langue et l’éloignement de la famille. Je n’étais pas chaud au départ, mais avec du recul, je pense avoir pris la bonne décision.
Au Havre aussi, vous enchaîniez les bonnes performances, mais médiatiquement, on n’en parlait pas trop…
La Ligue 2 française n’est pas très suivie, contrairement à l’Angleterre. En plus avec Le Havre, on était mal classés, on n’était donc pas très médiatisés. Là-bas, je jouais aussi bien qu’à Leicester aussi.
Au Havre, vous avez évolué avec un ancien international algérien, en l’occurrence Walid Mesloub. Comment étaient vos relations ?
On est encore très proches. Walid est un très bon joueur. Pour moi, il n’a rien à faire en Ligue 2, il doit jouer en L1. Après, peut-être qu’il n’a pas eu de chance. L’année dernière, je sais que Le Havre l’a bloqué et j’espère qu’il signera dans un grand club l’an prochain et reviendra en sélection.
Mesloub vous a-t-il parlé de la sélection ?
Oui, il m’en a beaucoup parlé, même s’il n’a pas trop duré. J’ai parlé de la sélection aussi avec Djamel Abdoun, Guedioura et Djebbour.
Vous connaissez des joueurs de l’EN actuelle ?
Non, pas vraiment. J’ai juste discuté avec quelques-uns récemment. J’ai rencontré Abdoun, Djebbour et Guedioura en Angleterre.
Qu’est-ce qu’ils vous ont dit ?
Ils m’ont dit beaucoup de bien de la sélection et m’ont encouragé à venir.
En tant que vice-capitaine de la sélection, Guedioura vous a-t-il donné un message particulier ?
Adlène m’a surtout rassuré, notamment en ce qui concerne mon intégration. Il m’a dit qu’il y avait une bonne ambiance en sélection et que je n’allais rien regretter. J’ai bien apprécié.
Vous nous avez accordé une interview au mois de mars dernier où vous nous disiez que la sélection était encore loin et que votre seule préoccupation était votre club. Les choses sont allées vite pour vous, n’est-ce pas ?
Je ne m’y attendais pas. Mais croyez-moi, je faisais tout pour être sélectionné. Après, vous savez, ce n’est pas une fin en soi. Je ne vais pas m’arrêter là. Je vais travailler encore plus pour durer le plus longtemps possible inch’Allah en EN.
Jouer une Coupe du monde représente quoi pour vous ?
Ça serait magnifique. Aller au Brésil, le pays du football, c’est quelque chose de merveilleux.
Et si Vahid décide de vous sacrifier et de ne pas vous emmener au final, quelle serait votre réaction ?
Je serai déçu, c’est normal. Tout joueur ambitieux veut faire une Coupe du monde, au moins une fois dans sa vie. Après, je ne vais pas me prendre la tête. Je continuerai à travailler et c’est tout.
Le match amical face à l’Arménie sera déterminant pour vous. Vous devriez marquer des points pour espérer être du voyage au Brésil. Peut-on dire que c’est le match le plus important pour vous ?
Non, pas du tout. C’est un match comme les autres. Ce qui est sûr, c’est que je vais me donner à fond pour mon pays, pour ma sélection. Ce ne sera pas le match de l’année.
Une manière d’éviter la pression ?
Je joue au football comme je sais le faire, et c’est tout. J’espère que ça se passera bien inch’Allah.
Votre profil plaît beaucoup à Vahid. Cependant, pensez-vous que votre jeu pourrait s’adapter à celui de l’Equipe nationale ?
Il n’y a pas de raison que je ne m’intègre pas dans cette équipe. Le plus important pour moi, c’est que mon jeu soit compris par mes autres coéquipiers. Après, quand on sait jouer au football, il n’y a pas de souci.
Justement, vous avez évoqué un point assez important. Vous êtes un joueur qui aime toucher le ballon, dribbler, amuser la galerie et cela a tendance à énerver vos coéquipiers, surtout lorsque vous ne réussissez pas votre geste au bout. Comment gérez-vous tout ça ?
Je suis surtout un joueur qui aime jouer au foot, qui aime le beau jeu. Après, c’est vrai que j’abuse parfois de dribbles, surtout lorsque je suis en un contre un. Mais bon, c’est ça aussi le football.
En Algérie, on a tendance, à juste titre ou pas, à vous comparer à Ryad Boudebouz. Pensez-vous que cette comparaison a lieu d’être ?
Franchement, je pense qu’on n’a pas du tout le même jeu. Certes, on est des gauchers tous les deux, mais on n’a pas du tout le même jeu.
Excité d’intégrer la sélection et de débuter le stage ?
Oui, je suis pressé et très impatient.
Vous venez souvent en Algérie ?
Oui, je suis déjà venu plusieurs fois au bled, plus précisément au village Beni Snous, du côté de Tlemcen.
On est à moins d’un mois et demi du Mondial-2014, dites-nous comment avez-vous vécu celui de 2010 auquel l’Algérie avait aussi participé ?
Je l’ai suivi avec attention, notamment les matchs de l’Algérie. Après, c’est dommage, on avait une bonne équipe, mais nous n’avons pas réussi à passer au second tour.
Vous avez suivi ça en famille ou avec des amis ?
Les deux. On était tous très enthousiastes.
Le match historique d’Oum Dourmane, comment l’avez-vous suivi et avez-vous défilé dans les rues de Paris suite à la qualification ?
C’était une ambiance de folie. J’étais avec des amis et on était tous super contents. Après, je ne suis pas quelqu’un qui défile dehors.
En Angleterre, vous ont-il déjà parlé du match qui s’est tenu entre l’Algérie et la sélection des Three Lions en Afrique du Sud ?
Non, on ne m’en a jamais parlé ici.
A Leicester, comment a-t-on perçu votre première convocation en sélection ?
Tout le monde était content. Le coach m’a dit qu’il était heureux pour moi et qu’il allait me suivre en Coupe du monde, si j’y allais.
Le club n’avait pas voulu, au départ, vous laisser à la disposition de la sélection, en raison du stage prévu en Thaïlande. Finalement, la FAF a su se montrer persuasive…
Le coach a eu une discussion avec moi et il m’a dit qu’il ne me voulait que le meilleur. Il m’a autorisé à rejoindre la sélection le plus rapidement possible et m’a dispensé de ce long voyage.
On sait que Vahid vous a parlé au téléphone. Que vous a-t-il dit de particulier ?
On a parlé de moi, surtout. Il m’a dit que je faisais des choses très intéressantes, mais que je devais progresser encore sur certains domaines.
Lesquels ?
L’agressivité, surtout ! On a parlé aussi de la sélection et de mon adaptation en Angleterre. C’était surtout un premier contact.
Connaissiez-vous Vahid déjà ?
Oui, bien sûr, depuis l’époque de Lille, du PSG. Je sais qu’il a un fort caractère. Il est connu pour ça en France.
N’appréhendez-vous pas votre relation avec lui ?
Non, pas du tout. J’ai souvent eu des coachs comme ça. J’en ai l’habitude.
Vous êtes du même quartier que Karim Ziani. Vous vous connaissez ?
Je sais que son père n’habite pas trop loin de chez nous. Après, je ne les connais pas personnellement.
Votre vie a changé depuis qu’on parle de vous du côté des Verts, non ?
Oui, c’est sûr. Il y a plus de fans et pas mal de journalistes qui me sollicitent. Après, il y a ma famille qui est toujours à côté de moi et c’est le plus important.
Vous êtes quelqu’un d’assez réservé dans la vie. Tout ce chamboulement dans votre vie et cette médiatisation ne vous effraient pas ?
Non, pas du tout. J’en ai l’habitude, car même ici en Angleterre, il y a beaucoup de journalistes qui me sollicitent. Je n’ai pas peur de ce côté-là.
Dites-nous, quel est votre poste de prédilection ?
Je suis un milieu de terrain offensif polyvalent. Je joue bien dans les côtés que dans l’axe. Je me mets à la disposition du coach.
Pensez-vous que l’Algérie a ses chances de passer ce premier tour au Mondial brésilien ?
Je pense qu’elle a ses chances, oui. On est dans un groupe assez équilibré et tout reste possible. La Belgique sera la grande favorite, c’est clair, mais après, dans le football, on ne peut rien prévoir à l’avance.
Le fait d’affronter la Belgique justement lors du premier match, n’est-il pas finalement une bonne chose ?
Oui, c’est sûr. Ça sera une chance pour nous à saisir pour la tenir en échec.
Passons à autre chose maintenant. Selon nos informations, votre maman est de nationalité marocaine, n’est-ce pas ?
Oui, en effet.
Vous auriez pu alors prétendre jouer pour le Maroc. Pourquoi avoir choisi l’Algérie ?
Parce que je suis un Algérien et que j’ai toujours été en vacances en Algérie. Mon père, Allah Yerahmou, a toujours voulu que je joue pour l’Algérie. Donc, je me considère totalement Algérien, même si je suis un peu Marocain aussi.
Vous étiez très proche de votre défunt père ?
Oui, beaucoup. C’est lui qui m’a inscrit dans le football, et qui m’a encouragé à faire ce sport. Il était toujours à mes côtés. J’aurais aimé qu’il soit là avec moi pour me voir en sélection et porter ce maillot vert (il répond avec émotion). Après, c’est ça la vie et j’espère qu’il est fier de moi là-haut.
Etre convoqué en sélection et avoir ce début de carrière, c’est une victoire pour vous et votre défunt père ?
Oui, car je sais qu’il est fier de moi là-haut et il aurait été si content de moi s’il avait été encore vivant.
C’est lui qui vous a vraiment initié au football ?
Oui, c’est lui et tout ça, c’est grâce à lui.
Jouer donc pour le Maroc ne vous a donc jamais effleuré l’esprit…
Non, jamais.
Est-ce que la Fédération marocaine vous a contacté par le passé ?
Non. Personne ne savait que je suis Marocain aussi.
Et si l’Algérie ne vous a-t-elle pas contacté avant et que le Maroc était le premier ?
Je n’aurai pas été au Maroc. Mon choix était pour l’Algérie. Qu’ils m’appellent avant où après, je n’aurai dit oui que pour l’Algérie.
Vous êtes quelqu’un qui est très famille ?
Oui, beaucoup même. Etre proche de ma famille, c’est primordial pour moi. Bien que je sois né et grandi en France, j’ai les mêmes valeurs de ceux du bled. Je suis toujours avec ma famille et mes amis. Ça me protège et ça me permet aussi de garder les pieds sur terre.
Quel regard a votre maman sur votre carrière ?
Ben, elle est contente de moi. Et même si elle ne s’y connaît pas trop en football, mais elle suit les matchs et sait ce que représente une sélection.
Sur le plan humain, comment vous êtes ?
Comme vous le voyez déjà, je suis quelqu’un d’assez réservé. Je suis quelqu’un de très gentil et j’ai un grand cœur.
Etre musulman ne vous pose-t-il pas problème avec votre club ?
Je suis un musulman pratiquant, mais cela ne me pose aucun problème dans mon club. Bien au contraire. Au club, on me ramène même la viande hallal même si je suis le seul musulman de l’équipe.
Le mois de Ramadhan approche. Comment allez-vous gérer cette période ?
C’est vrai que c’est compliqué, puisque ça va coïncider avec la période de la préparation estivale. Après, on va gérer Inch’Allah.
Riyad est marié ou pas encore ?
Non, pas encore.
Il attend quoi pour se marier ?
J’ai encore le temps. Je préfère me focaliser sur ma carrière pour l’instant. Le mariage, ça viendra après.
Tes hobbies ?
Je suis un féru de la Play Station. Jouer au foot sur la console et suivre des matchs en continu à la télé.
Vous suivez un peu le championnat algérien ?
Non, pas du tout.
Un club favori en Algérie ?
Je n’en ai pas.
Etes-vous déjà venu sur Alger ?
Non, jamais. Quand je viens, je suis surtout à l’ouest du pays. A Oran, Maghnia, ou Tlemcen.
Votre club de cœur à l’étranger ?
J’aime bien le Barça.
Vous rêvez d’être un jour joueur du Barça ?
Oui, c’est plus qu’un rêve.
Si demain vous revenez en France, vous opterez pour quel club ?
Je ne sais pas, mais ce n’est pas dans ma tête de revenir en France là.
Pourquoi ?
Parce que l’Angleterre, ça n’a rien à voir avec la France. C’est le meilleur championnat du monde. Quand tu joues en Angleterre, tu n’as plu envie de revenir en France.
La saison prochaine, vous allez jouer en Premier League. Qu’est-ce que vous vous dites ?
Franchement, je ne me dis rien du tout pour l’instant. Je suis plus concentré à présent sur l’Algérie et la sélection. Je penserai à ça lorsque je débuterai la préparation estivale, Inch’Allah.
Après vos six premiers mois réussis avec Leicester, avez-vous reçu des contacts d’autres clubs anglais ?
Je ne sais pas. Voyez ça avec mon agent.
Un joueur international que vous admirez et que vous vous voyez en lui ?
Incontestablement Lionel Messi.
Pourquoi ?
Parce que pour moi, c’est le meilleur joueur de l’histoire du football.
Mieux que Maradona, Pelé, Zidane…
Oui, mieux. C’est vrai qu’en ce moment, il n’est pas bien, mais c’est une machine ce mec.
Un mot sur le public algérien ?
C’est un public phénoménal. Il aime son pays et son équipe nationale et je pense que c’est le meilleur au monde.
Ils seront plus de 2 500 supporters à encourager la sélection au Brésil…
Les supporters, c’est quelque chose de primordial pour une équipe. Avec leur soutien, elle peut se surpasser et réaliser des miracles.
Publié dans :
guedioura Abdoun Djebbour zidane. Mahrez