Equipe d'Algérie

Mahrez : «Ceux qui disent que les joueurs ne jouent plus avec la hargne d’avant.....»

«Les premiers déçus de cette CAN ratée, ce sont nous les joueurs. On n’a pas été bons et on n’a aucune excuse»

Auteur : Saïd Fellak samedi 10 juin 2017 19:02

Dans cette seconde partie de l’interview exclusive que nous a accordée Riyad Mahrez, nous avons axé nos questions sur la sélection nationale. On est revenu avec le joueur sur la dernière participation de l’EN à la CAN et cette élimination prématurée au premier tour. Le natif de Sarcelles a accepté de revenir pour la première fois sur les raisons de cet échec et les enseignements à tirer de cette participation. Il a donné son avis sur le nouveau sélectionneur national, Lucas Alcaraz, et les chances des Verts de se qualifier au Mondial en Russie. Enfin, Mahrez nous a révélé comment il passe ses journées de Ramadhan à Sidi Moussa et plein d’autres sujets intéressants qu’on vous invite à lire dans cet entretien.

Parlons un peu de la sélection nationale. Il y a cinq mois de cela, l’Algérie sortait dès le 1er tour de la CAN au Gabon. Les Algériens étaient très déçus par sa prestation…
Les premiers déçus, ce sont nous, les joueurs. On était très tristes et très frustrés d’être sortis au premier tour. Après, bien sûr que nos supporters ont été déçus aussi. On sait comment ils sont, toujours derrière nous, mais voilà. On est désolés. On a voulu donner le maximum, mais ça n’a pas marché. Dommage, mais il faut avancer dans la vie et ne pas s’arrêter là.

Qu’est-ce qui fait que depuis plusieurs phases finales de la CAN, l’Algérie n’arrive pas à aller au bout et sort souvent prématurément de la compétition alors que tout le monde l’annonce comme la favorite de l’épreuve pourtant ?
Il y a plusieurs détails que je ne veux pas mettre en lumière pour le moment car ça ne sert à rien. On n’a pas été bons tout simplement et cela dans tous les domaines. Quand on sort au premier tour, il n’y a pas d’excuses, il n’y a rien. On n’a pas été assez forts pour aller loin. C’est ce qui nous a coûté l’élimination dès ce premier tour. Après, je pense qu’on avait largement les moyens de passer les poules, mais malheureusement on n’a pas su faire les bons matchs, c’est tout.

Beaucoup pensent que les joueurs qui composent la sélection nationale actuellement et qui jouent essentiellement en Europe n’arrivent pas à s’adapter au jeu africain et aux adversaires du continent noir, qu’ils ne jouent pas avec l’agressivité voulue. Que répondez-vous à ça ?
Vous savez, les gens parlent beaucoup autour de la sélection. Moi, je n’écoute pas trop ce qui se dit. Franchement, je ne pense pas que c’est vrai ce que disent les gens sur ça. Comme je l’ai dit, on n’a pas été bons dans tous les domaines. Pas la peine de trouver des excuses, ni de se cacher derrière quoi que ce soit.

Vous ne répondez pas à la question. Pensez-vous réellement que les Verts manquent d’agressivité face aux équipes africaines ?
Non, je ne pense pas. Franchement, je ne veux pas rentrer dans ces trucs-là. Je ne suis pas un coach, je ne suis qu’un simple joueur qui essaye de donner son maximum sur le terrain. Mais, je le répète, on n’a pas été bons et c’est tout. On est passés à côté de notre CAN et c’est ce qui nous a coûté l’élimination.

Parlons de l’ambiance qui régnait dans le groupe durant cette CAN. On dit qu’elle n’était pas excellente, en témoignent les altercations qui ont eu lieu durant le regroupement au Gabon entre certains joueurs. On a vu lors du dernier match amical face à la Guinée une tout autre ambiance. Des joueurs solidaires et une joie de vivre qui était absente lors de la CAN. Vous êtes d’accord ?
Je vous dis la vérité, il n’y avait même pas de différence entre le match d’hier (ndlr : la Guinée) et la CAN au niveau de l’ambiance, c’est pareil. Tout le monde était très content, joyeux et ça a toujours été comme ça. Il n’y a pas eu de problème particulier. Après, c’est sûr qu’il y a des altercations qui peuvent se produire comme dans toutes les équipes au monde. C’est du foot, il y a des duels, il y a de l’intensité, mais toujours dans la bonne humeur. Il n’y avait aucun souci, rassurez-vous.

Et vous répondez quoi à ceux qui disent que les joueurs actuels de la sélection nationale sont gâtés et ont moins faim qu’avant ?
Gâtés par quoi au juste ?

Par leurs clubs. Des joueurs qui ne jouent plus avec la hargne et la combativité comme c’était le cas il y a quelques années…
C’est leur point de vue, mais moi, je ne le partage pas. Je ne pense pas que les joueurs ne se donnent pas à fond pour le pays. Je crois vraiment qu’on a aussi faim que les générations d’avant. C’est juste qu’on n’a pas été bons à la CAN, c’est tout. Après, moi, je respecte les avis et les critiques. Ça fait partie du métier.

Vous avez gagné beaucoup de trophées sur le plan personnel et avec votre club aussi. Vous avez cette ambition de gagner des titres avec la sélection ?
Bien sûr que j’ai envie de gagner des titres, et surtout avec la sélection. On est un groupe d’amis, on s’apprécie beaucoup et ça serait magnifique de gagner des trophées avec l’équipe nationale. Franchement, c’est mon rêve.
 
Il y a eu lors des précédents mois l’élection d’un nouveau président de la Fédération algérienne de football et l’arrivée aussi d’un nouveau sélectionneur national, en l’occurrence Lucas Alcaraz. Comment ça se passe avec eux pour l’instant ?
Pour le moment, ça se passe très bien. Rien à signaler. Le coach est très sérieux, très appliqué dans son travail. On a commencé par une victoire, c’est bien. Il faut continuer sur cette voie et inch’Allah, d’autres succès viendront par la suite.

Alcaraz ne maîtrise pas encore la langue française. Cela peut-il poser un problème au niveau de la communication lorsqu’on se rappelle notamment de l’épisode de Rajevac ?
Non, pas du tout. Il sait se faire comprendre. En plus, il y a le traducteur qui est là.

Quel a été son discours lorsqu’il vous a visité vous et Islam Slimani à Leicester quelques jours avant le début du stage ?
Il nous a parlé de son projet et de ce qu’il voulait faire avec la sélection. Son discours a été très bref, simple et concis.

C’est vrai que ça ne fait pas longtemps que Lucas Alcaraz est là, mais pouvez-vous nous faire une petite comparaison avec les anciens sélectionneurs que vous avez connus à l’image de Vahid Halilhodzic, Christian Gourcuff, Rajevac et Leekens ?
Je pense qu’il a de la personnalité et du répondant. C’est un coach qui a entraîné beaucoup de clubs en Liga. Il a beaucoup d’expérience, mais après, le comparer à Halilhodzic ou Gourcuff ou un autre, on ne va pas rentrer dans les comparaisons. C’est un coach qui a sa manière de travailler, il sait ce qu’il est en train de faire. On est contents et on verra les résultats après. Il faut lui accorder du temps.
Parlez-nous un peu de son style de jeu. Est-ce que c’est un coach qui prône l’attaque à outrance par exemple, ou bien il préfère plus la rigueur défensive ?
Entre les deux, je dirais. Il aime bien l’attaque, mais il veut qu’on soit solides. C’est important pour lui et pour nous aussi.
Parlons un peu de ce match amical joué face à la Guinée. On dit souvent lors des matchs amicaux que le résultat importe peu et que c’est la manière de jouer qui est le plus essentiel. Néanmoins, on a pu voir lors de ce match de reprise que les joueurs en voulaient vraiment et faisait de la gagne une nécessité absolue…
Oui. Ça faisait longtemps qu’on n’avait plus joué à Blida (ndlr : face au Cameroun au mois d’octobre dernier). On voulait faire un bon match devant notre public. C’était aussi la première sortie du coach, on voulait du coup lui offrir la victoire et pour couronner le tout, on savait que la Guinée ne nous facilite pas souvent la tâche, que c’était notre bête noire. On était du coup hyper motivés à gagner. Après, les matchs, on les joue toujours pour les gagner, même si c’est vrai que les rencontres amicales, c’est surtout pour voir la réaction des joueurs, tester des choses. Mais nous, on n’est pas là pour faire de la figuration. On voulait la victoire et on l’a eue. Tout n’a pas été parfait, je suis d’accord, mais le coach aura le temps d’ajuster les choses qu’il faudra.
Quel a été le discours du coach avant ce match ?
Il nous a demandé de jouer simple, d’être solides et de gagner, c’est tout.
Et après le match, que vous a-t-il dit ?
Je ne sais pas, franchement. Je n’étais pas aux vestiaires à ce moment-là.
Toujours concernant ce match amical face à la Guinée. Tout le monde a remarqué le manque d’engouement des supporters algériens qui ne se sont pas déplacés en masse au stade ce soir-là. Durant la première période, les tribunes étaient quasiment vides d’ailleurs. Quelle a été la réaction des joueurs vis-à-vis de ça quand on sait que généralement, à Blida, l’affluence des fans est très importante ?
On s’est dit que c’était à cause certainement du mois de Ramadhan. Que les supporters mangeaient toujours et qu’au fil du match, ils allaient remplir les tribunes. N’oubliez pas aussi que ce n’était qu’un match amical. On ne doute pas de nos supporters et on les connaît fidèles. On sait qu’ils seront toujours derrière nous parce qu’ils aiment le pays, le maillot. Même si on perd 15 à 0, ils resteront toujours derrière nous, c’est ce qu’on aime chez eux et on se battra toujours pour eux. Je n’ai aucun doute qu’il y aura beaucoup de monde face au Togo dimanche.

Ce match face au Togo, il faut absolument le gagner, n’est-ce pas ?
Évidemment. On doit le gagner pour bien démarrer ces éliminatoires de la CAN 2019. C’est primordial.
Beaucoup ne comprennent pas aussi l’insistance des joueurs de la sélection à recevoir systématiquement au stade Mustapha-Tchaker de Blida, alors qu’il y a un stade, celui du 5-Juillet qui peut contenir plus de 70 000 supporters et dont la pelouse est excellente…
La décision n’appartient pas qu’à nous, les joueurs, seulement.
Pourtant le coach a dit lors de sa conférence de presse que la décision de recevoir la Guinée et le Togo revenait essentiellement aux joueurs qui ne voulaient pas changer de stade…
C’est vrai qu’on donne notre avis. Cela-dit, j’estime que le stade de Blida est sacré. On a rarement perdu dans ce stade. Moi, personnellement, depuis que j’ai intégré la sélection il y a trois ans, je n’ai jamais perdu là-bas. On se sent très bien dans cette enceinte, on a nos habitudes, on connaît très bien le terrain et le public est très bien aussi. On veut juste rester où on est, c’est tout. Il n’y a pas de polémique là-dessus.

Pourtant, quand on joue une phase finale d’une CAN, la sélection est amenée à jouer dans différents stades, avec des pelouses parfois catastrophiques. Ne vaut-il pas mieux s’adapter à un maximum de stades du pays et ne pas rester concentrés uniquement à Blida ?
Oui, c’est sûr. Après il y a des stades qui sont en construction actuellement au pays. Ça ne nous dérangerait pas de jouer à Oran, Constantine ou dans les nouveaux stades quand ils seront réceptionnés. Il n’y a pas de soucis là-dessus.

Après ce qu’a vécu la sélection lors de la CAN, le mauvais démarrage des éliminatoires du Mondial 2018, le va-et-vient des sélectionneurs ces derniers mois. Êtes-vous confiant quant à l’avenir de l’EN ?
Oui, je suis confiant. Là, on a un bon coach qui est arrivé. On doit tous l’aider et inch’Allah, ça ira bien.

La Coupe du monde en Russie, doit-on l’oublier ?
Non, jamais. Tant que mathématiquement la qualification reste possible, on continuera à y croire. On ne va pas rendre les armes dès maintenant et aussi facilement que cela. On jouera à fond pour espérer décrocher une troisième qualification au Mondial de suite.

On est actuellement en plein mois de Ramadhan. Le fait d’être à Sidi Moussa enfermés durant plus de dix jours lors de ce mois sacré, est-ce que c’est pénible pour les joueurs ?
Franchement, pour ma part et je peux même parler au nom de mes autres coéquipiers, on est tous très contents d’être là. Vous savez, on se retrouve ici pour défendre le pays et ses couleurs. On est très fiers et contents. Tout est mis en place pour nous assurer un bon jeûne ici. On fait tout pour nous faciliter les choses. Donc, il n’y a pas de problème à ce sujet.

Justement, comment vous passez vos journées de Ramadhan au sein de ce centre technique de Sidi Moussa ?
Ben, on se réveille en début d’après-midi, on se repose un peu et après on part à la mosquée pour prier. Par la suite, y en a qui font un peu de musculation et d’autres font autre chose. Après 20h, dès le Adhan, on mange tous ensemble et vers 21h30, on se prépare pour aller à l’entraînement. On transpire bien, on travaille à fond avec le coach et puis après, on rentre dans nos chambres, on se lave et on mange un peu. On attend par la suite l’appel à la prière d’El Fedjr. On y va tous ensemble à la mosquée, on prie et on part dormir. Et le lendemain, rebelote.
Les proches de la sélection ont été surpris de vous voir aussi pieux et aussi à cheval sur la prière. On dit que vous ne ratez pas la prière à la mosquée (NB : celle-ci se trouve à l’intérieur du centre de Sidi Moussa)…
La religion est très importante pour moi, et pour tous les joueurs actuellement en sélection. Avant d’être des footballeurs, nous sommes avant tout des musulmans. On croit en Allah et voilà. La prière, c’est un devoir dans la religion et on essaye de respecter ça du mieux qu’on peut.
On arrive quasiment à la fin de l’interview. Vous rejoignez le cercle fermé des joueurs ayant remporté deux trophées du meilleur joueur algérien. Est-ce que vous avez l’ambition de dépasser tout le monde et être le premier joueur algérien à s’adjuger ce trophée trois fois de suite ?
Comme je vous l’ai toujours dit. C’est clair que ça serait très bien de remporter ce trophée pour la troisième fois, mais après, je ne suis pas quelqu’un qui se met trop à l’avant, qui fait soi-disant la star. Je préfère rester humble tout en essayant de faire du mieux que je peux mon boulot. Si je le mérite, on me le donnera, si je ne le mérite pas et ben, bonne chance à tout le monde. On verra.

En parlant de ça justement. Même si votre statut a considérablement changé depuis deux ans maintenant, vous restez toujours aussi modeste. L’on se souvient encore des vacances que vous avez passées l’an dernier dans votre village natal de Beni Snous dans la wilaya de Tlemcen. D’autres joueurs n’auraient pas eu la même réaction…
Après, chacun comme il est. On ne juge personne. Comme je vous l’ai dit, je préfère rester simple. Ça ne va rien m’apporter de faire la star ou de prendre la grosse tête. Ça reste que du foot. C’est clair que c’est très bien de gagner des titres individuels, mais voilà, il faut rester soi-même. On est des musulmans avant toute chose. On est tous pareils.
Riyad, on vous remercie pour votre disponibilité et on vous laisse conclure cette interview…
Merci à vous. Je tiens à saluer les Algériens et les lecteurs du Buteur. Je leur dis Saha Ramdhankoum et je leur souhaite le meilleur. On va essayer tous ensemble de se remettre au boulot pour ramener de très bons résultats au pays. À très bientôt, inch’Allah.

 

 

Publié dans : algerie Mahrez la CAN au Gabon

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