Interview

Bounedjah révèle : «La Tunisie voulait me naturaliser mais cela ne m’a jamais traversé l’esprit »

« Leekens n’avait pas de personnalité pour faire des changements, il ne m’a pas jamais accordé ma chance »

Auteur : Moumen Ait Kaci Ali mercredi 16 janvier 2019 10:34

Il n’est  peut-être pas le plus doué techniquement des autres nominés pour le Ballon d‘Or algérien 2018, Baghdad Bounedjah est certainement  le plus élégant et le plus efficace  de l’ensemble des joueurs algériens cette année. Par ses  statistiques, le buteur historique d’Al Sadd a eu presque un plébiscite dans ce vote du meilleur joueur algérien de l’année, distinction décernée par Le Buteur et El Heddaf. Rencontré après la cérémonie, Baghdad nous a d’abord reçu dans sa chambre, avant d’ouvrir son cœur au Buteur, dans un entretien exclusif où il revient notamment sur les principales étapes qui l’ont mené jusqu’à cette distinction qui le faisait  rêver.

Baghdad, félicitations, vous êtes maintenant Ballon d’Or 2018, une première réaction ?

Je dois dire que la concurrence était très rude entre des joueurs de haut niveau. Je veux citer Riyad Mahrez, Yacine Brahimi, Youcef Atal et Youcef Belaili qui est revenu en force cette saison. J’ai travaillé   et j’ai  beaucoup sué cette année et je suis très heureux d’être récompensé par cette distinction. Maintenant, ce Ballon n’est pas une fin en soi, je vais travailler encore pour prouver que c’était mérité et progresser dans mon niveau.

La cérémonie était comment pour vous ?

J’étais vraiment très heureux d’être parmi les présents dans cette cérémonie. Tout le monde était là, on a assisté à une grande fête avec des personnalités politiques, sportives et artistiques. Il y avait aussi des anciens joueurs comme Issad Bourahli qui était mon idole quand j’étais jeune. Il y avait de très grands joueurs , à l’image d’Ali Bencheikh et d’autres comme Ali Messabih, Daoud Sofiane Daoud Bouabdallah et mon ancien entraineur Tlemcani. Franchement, c’est des joueurs qui me faisaient rêver, surtout la star de la soirée, Roberto Carlos, qu’on ne voyait qu’à la télévision, donc c’est un honneur pour moi. Je remercie le groupe El Heddaf et Le Buteur de m’avoir offert cet honneur.

Vous étiez très ému, peut-on savoir quelle est la personne à qui vous avez pensé lorsque vous avez soulevé votre Ballon d’Or ?

Ma première pensée était pour ma défunte maman qui nous a quittés en 2011, elle qui rêvait comme toutes les mamans de voir son fils réussir dans sa vie. Aujourd’hui, je remercie Dieu de m’avoir laissé en vie mon papa qui m’a accompagné et qui a pu vivre  ce grand moment de bonheur avec moi. Seulement,  je ne peux pas garder ce sentiment dans mon cœur, j’aurais aimé voir ma maman à côté de moi en recevant ce Ballon d’Or mais comme on est des musulmans, on doit se soumettre à la Volonté de Dieu.  Ce Ballon d’Or est pour elle, Allah yerhamha.

Pour qui avez-vous envie de le dédier ?

Je dédie  ce Ballon d’Or à toute ma famille qui a suivi la cérémonie en direct et qui suivra cet entretien à travers la télévision El Heddaf et aussi à mes amis qui étaient présents avec moi. Je veux aussi le dédier à mes neveux et mes nièces  surtout Nessrine, Fatima-Zohra, Yacine, Ayoub et Abdelkader ainsi qu’à  tous mes frères et sœurs.

Le papa était aussi heureux, on l’a vu très fier de monter les marches  pour aller sur scène…

C’est normal, il était fier de voir son fils monter sur scène pour récupérer le Ballon d’Or synonyme de meilleur joueur algérien de l’année. Je suis à mon tour fier de lui avoir fait ressentir ce sentiment. Ce Ballon d’Or  m’est très cher parce qu’il est venu après des sacrifices et un travail de longue haleine.

 On comprend votre émotion mais avez-vous un jour promis ce Ballon d’Or à la maman Allah yerhamha ?

Je n’ai pas promis à ma maman de devenir un  jour Ballon d’Or, elle est partie trop tôt mais  j’ai toujours voulu qu’elle partage avec moi ce moment car j’avais ce pressentiment de réussir pour mes parents. Maintenant, comme je l’ai dit, ma mère est partie, c’était écrit Hamdoulillah pour tout. 

Et si on revenait sur les étapes importantes qu’à traversées Baghdad pour arriver à ce jour de consécration ?

J’ai commencé mon parcours en jeunes avec RC G Oran que je considère comme l’une des meilleures écoles de football en Algérie, tant elle a donné pas mal de footballeurs de talent. Après, je suis passé de la 5e division à la Ligue 1 professionnelle avec l’USM El Harrach. C’est grâce à l’USMH que je suis arrivé à me faire un nom en Algérie. Je suis arrivé jeune d’un palier inférieur et les gens d’El-Harrach m’ont fait confiance. Je remercie beaucoup les supporteurs de l’USMH, l’entraineur Boualem Charef,   et bien entendu le président, Mohamed Laib qui m’a fait confiance. Il n’a pas hésité à me faire signer malgré le fait que je venais d’une équipe appartenant à une division de bas palier

On ne peut pas parler de votre parcours sans évoquer l’excellent passage à l’Etoile du Sahel en Tunisie…

Ah oui, bien sûr j’allais en parler. Il ne faut pas oublier que j’ai gagné 5 titres majeurs avec l’Etoile du Sahel ! J’ai remporté 3 Coupes de Tunisie, 1 titre de champion et une Coupe de la CAF.

On dit aussi que vous êtes un supporteur de cette équipe de l’ES Sahel...

Bien sûr, je suis toujours cette équipe. En plus des titres gagnés, j’avais aussi terminé  meilleur buteur du championnat tunisien et meilleur buteur de la Coupe de la CAF. Donc, l’Etoile reste un passage prolifique en matière de titres et de distinctions individuelles. Je ne peux pas vous le cacher, à Sousse, je me sens chez moi, je me sens aussi un enfant de ce club. Je suis toujours supporteur de l’Etoile du Sahel.

C’était aussi une époque où vous avez été victime d’une injustice car malgré toutes vos performances, vous étiez loin des calculs du coach de l’EN, Christian Gourcuff, est-il vrai que vous avez songé à jouer pour la Tunisie ?

Songer à jouer pour la Tunisie ? Non, jamais de la vie ! C’est vrai qu’il y avait des contacts avec des intermédiaires de la Fédération tunisienne de football qui ont tenté de me convaincre de jouer pour la Tunisie. 

Ça ne vous a pas tenté sachant que l’entraineur de la Tunisie était vraiment convaincu que vous étiez le meilleur attaquant du championnat et d’Afrique ?

C’est vrai, il me l’a dit en plus, mais c’était pour moi impossible de jouer pour une sélection autre que mon pays. Je les remercie pour leur intérêt car ils étaient convaincus que j’avais ma place en sélection. Je précise que si j’avais été sélectionné en équipe d’Algérie à cette époque-là, je serais aujourd’hui dans une grande équipe européenne. Mais bon… je suis à Al Sadd et je suis très content.

On peut parler aussi de la CAN 2017, tout le monde s’accorde à dire que Leekens vous a privé de gagner en maturité en sélection et peut-être de prendre une place…

Sincèrement, en 2017 au Gabon, j’étais très motivé et j’avais uneénorme envie  d’apporter une aide précieuse à l’EN durant cette CAN. J’étais prêt à me donner à 200% pour satisfaire les supporteurs, malheureusement l’entraineur Leekens ne m’a pas donné ma chance. Bon, je ne veux pas rentrer dans ses choix mais je n’ai jamais compris pourquoi il ne m’a pas donné ma chance. D’ailleurs, il a emmené 23 joueurs au Gabon.    En trois matchs, il n’a effectué qu’un seul changement.  Malgré cela, je suis resté concentré et je n’ai pas voulu faire de tapage. Maintenant, je suis titulaire en sélection, je marque des buts et je crois que c’est la plus belle des réponses.

Pourtant, il paraît qu’il vous a bien signifié qu’il comptait sur vous ?

C’est vrai, il venait souvent vers moi pour me dire qu’il m’appréciait surtout qu’il m’avait déjà vu jouer en Tunisie lorsqu’il était sélectionneur de l’équipe nationale tunisienne. Il me connaissait très bien, d’où ma grande déception de n’avoir pas eu du temps de jeu avec la sélection algérienne

Revenons au Ballon d’Or, malgré vos statistiques, certains pensent  qu’offrir le Ballon d’Or à un joueur qui évolue au Qatar n’était peut être pas mérité, qu’avez-vous à dire ?

Ecoutez, je respecte tous les avis. J’accepte aussi les critiques. De toutes les façons, personne n’est parfait et dans notre domaine, c’est difficile de faire l’unanimité. Mais bon, je l’ai dit et je le repère encore une fois, je joue dans une grande équipe,  un championnat fort où évoluent  des joueurs de haut niveau. Le travail au Qatar est très professionnel avec surtout une grande discipline. C’est un championnat où tout est mis à la disposition d’un joueur professionnel pour travailler et progresser davantage. Je veux dire aussi que ma saison était aussi pleine, avec plusieurs records de buts battus. J’ai battu le record de buts en une saison au Qatar, j’ai aussi égalé le record des buts en Champions League Asiatique et fini meilleur buteur de l’année 2018 avec 59 buts, donc chacun est en droit de juger, selon ses convictions.

Du coup, vos performances avec Al Sadd ont suscité l’intérêt de pas de clubs en Europe, mais vous avez décidé de prolonger, pourriez-vous nous dire pourquoi ?

Pour être franc avec vous, il y a plusieurs paramètres qui sont entrés en jeu. J’étais sous contrat jusqu’en 2021 et mon club a fixé ma clause libératoire à 15 millions d’euros. Aussi, les équipes notamment françaises qui se sont présentées n’étaient pas en mesure de verser ce montant pour avoir ma libération. Donc à vrai dire, je ne voulais pas du tout aller au clash et décevoir mes dirigeants à Al Sadd qui m’ont bien accueilli et permis de franchir un palier, sachant qu’il y a une CAN qui arrive.

Justement, Belmadi vous a-t-il conseillé de ne pas prendre de risque de partir en hiver ?

C’est sûr que tout sélectionneur aimerait compter sur des joueurs compétitifs et efficaces, c’est important pour la confiance d’équipe dans une telle compétition.  Mais je ne vous cache pas que le projet d’Al Sadd et les efforts consentis pour mon club de me préserver m’ont beaucoup encouragé à prolonger.  C’est le président et mon capitaine Xavi qui sera notre entraineur m’ont convaincu de continuer l’aventure avec Al Sadd où on vise à reconquérir le titre de champion et aussi remporter la Champions League Asiatique.

La confiance de Belmadi vous a aussi rassuré ?

Bien sûr, le coach Belmadi croit en mes qualités. Après, il ne faut pas focaliser sur le championant où on évolue, même si  je dois dire que le Qatar reste un championant élevé. Belmadi croit en mes qualités et en mes capacités de buteur, c’est pour cela qu’il me fait confiance et cela me rassure beaucoup. Maintenant ma concentration est sur mon club Al Sadd et la prochaine CAN-2019, inch’Allah.

Justement, la CAN se jouera en Egypte et certains appréhendent beaucoup cette désignation, on parle de la pression exercée là-bas pour favoriser l’équipe locale, votre avis là dessus ?

Ecoutez, en football on ne peut rien prévoir, tout peut arriver. Nous, on va se préparer pour aller avec la ferme intention de réaliser le meilleur parcours possible. On se donner à fond pour aller le plus loin possible dans cette compétition. 

Le plus loin possible, c'est-à-dire ?

(Il rit) On est des compétiteurs, on joue pour gagner tous nos matchs, on ne calculera rien du tout. Sachez qu’à chaque fois qu’on sera sur le terrain, on visera la victoire. Maintenant,  s’il y a une moindre chance d’aller en finale, on ne ménagera aucun effort, soyez-en sûrs. On souhaite aller le plus loin possible.

Passons à cette brève discussion que vous avez eue avec Roberto Carlos, que vous a-t-il dit au juste ?

On s’est rappelés d’un souvenir lorsque j’ai eu l’occasion de le croiser au Qatar à Aspetar. On s’est présentés et son accompagnateur à Doha. Il avait parlé du nombre des buts marqués avec Al Sadd. Alors, lorsque je suis monté sur scène, il m’a fait rappeler qu’on s’était déjà vus. 

Vous avez eu aussi une discussion avec le ministre de la Jeunesse et des Sports, on veut bien savoir ce qu’il vous a dit…

Il m’a beaucoup encouragé, sincèrement, c’était un échange très convivial de sa part, j’ai beaucoup apprécié son discours.

Il vous a dit quoi ?

Il m’a dit qu’il fallait continuer à travailler et qu’il était aussi très heureux pour moi car je représente aussi bien le pays au Qatar et dans tous les pays arabes. Il m’a demandé de travailler plus, il était très content.

Vous êtes l’un des rares joueurs locaux à remporter ce Ballon d’Or, que signifie cela pour vous ?

C’est quelque chose d’encourageant. Cela devrait inciter les jeunes du championant local  à croire en leur talent. Inch’Allah, ce titre les poussera à travailler pour arriver et je souhaite que cela puisse être une source d’inspiration à tous les joueurs locaux pour foncer et aller progresser dans la monde professionnel.

C’est clair que le mérite vous revient de l’avoir remporté car depuis Slimani en 2013, il aura fallu attendre 6 ans…

Sincèrement, on est des frères, que ce soit les joueurs locaux ou émigrés, on est tous des Algériens. On a tous le passeport algérien, on défend le même drapeau mais lorsque c’est un local qui remporte le Ballon d’Or, ça a une saveur particulière.

En parlant de Slimani, votre coéquipier sélection traverse une période difficile, pourriez- vous nous en parler ?

Islam est d’abord un super coéquipier. Il est très éduqué, il nous conseille tout le temps. C’est vrai bosseur à l’entrainement. Franchement, c’est un exemple. Il ne rate jamais l’occasion de me conseiller.  Avant chaque match, il vient vers moi pour me motiver et me pousser à me donner à fond. C’est vraiment un bon gars.

Comment expliquer ce qui lui arrive au Fenerbahcé ?

Je crois qu’il paye cash la mauvaise passe de son équipe. Je crois aussi que les transferts à répétition durant ces deux dernières saisons ne l’ont pas beaucoup aidé. Je souhaite qu’il retrouve son niveau et son sens du but car c’est un élément important dans le groupe de l’Equipe nationale.

Vous êtes très complice, malgré le fait qu’il soit votre concurrent, on vous a vus même à Lomé lui dédier le 4e but…

C’est vrai, Islam est avant tout un bon mec. On est concurrents mais on forme une seule famille. Lorsqu’on vient en sélection, on se donne tous à cent pour cent pour le bien de l’Equipe nationale.

Xavi estime que vous êtes un attaquant capable de jouer dans un club huppé de la Liga,  comment vous prenez ces éloges ?

 Effectivement, il me le répète tout le temps, mais il me conseille toujours de rester concentré sur mon travail. Seulement, il était parmi mes camarades qui m’ont demandé de rester  lorsque j’ai demandé un bon de sortie (rires).

La Coupe du monde 2022 aura lieu au Qatar, vous avez déjà l’esprit pour ce Mondial ?

Oui bien sûr, c’est une Coupe du monde qui me tient à cœur. Jouer un Mondial est l’objectif de tout joueur professionnel, mais pour moi, c’est quelque chose de particulier. Revenir au Qatar avec la sélection de mon pays pour jouer une Coupe du monde est quelque chose qui me fait  rêver. C’est mon principal objectif.

Racontez-nous un peu comment Halilhodzic est venu vous chercher en Equipe nationale ?

C’était lors d’un match de championant joué entre l’USMH et l’USMA. J’avais sorti un grand match et à l’époque, j’étais aussi en Equipe nationale olympique sous la houlette du coach Ait Djoudi. Je crois qu’il y avait eu la blessure de Djebbour durant le stage de l’EN A et Vahid m’a convoqué en sélection.

Aujourd’hui, vous avez aussi rencontré Djebbour, vous avez évoqué cette histoire ?

On a parlé de beaucoup de choses, il m’a donné des consignes. Il était très content pour moi et il m’a demandé de continuer à travailler. Après Djebbour, c’est un ancien buteur racé que j’appréciais notamment lors de cette belle époque de 2010 avec Rafik Saifi, Abdelkader Ghezzal et les autres. On était tous des fans, nos cœurs battaient pour cette équipe.

C’est peut-être cet esprit-là de 2009/2010 qui revient avec vous cette année ?

Oui, inch’Allah, avec ce groupe sous la houlette de Belmadi. Avec cette victoire ramenée de Togo, on est plus sereins. On va tour faire pour atteindre nos objectifs et faire en sorte d’améliorer nos performances. C’est la promesse qu’on donne à notre peuple

Un mot au peuple algérien ?

Je suis très heureux de cette distinction, je remercie le public algérien et l’ensemble des votants qui m’ont accordé leur confiance. On leur promet de tout donner pour le rendre le sourire et, pourquoi pas, remporter la Coupe d’Afrique, inch’Allah.

 

 

Publié dans : Bounedjah Roberto Carlos

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