Interview

Khalef : «Le monde entier vous regarde, ne nous décevez pas !»

«Tchipalo et Bencheikh étaient capables de faire gagner des matchs à eux seuls.»

Auteur : Farid Aït Saâda jeudi 01 mai 2014 13:46

Le nom de Mahieddine Khalef restera éternellement lié à celui de la JS Kabylie. Ancien joueur, entraîneur emblématique durant quinze ans, puis durant quelques mois au début du nouveau siècle, il a vécu certains des plus beaux matchs entre la JSK et le MC Alger. Quoi donc de plus naturel que de solliciter son avis sur la finale très attendue d’aujourd’hui entre les deux clubs.

Quel a été votre premier sentiment lorsque la finale attendue et espérée JSK-MCA en Coupe d’Algérie s’était confirmée ?
Automatiquement, il y a eu un sentiment de plaisir. Quand on aime un club et, surtout, quand on a une équipe jeune qui revient en force cette saison, ça fait forcément plaisir. Une équipe qui arrive et qui progresse. Cela nous rappelle aussi les bons moments passés où il y avait de bons résultats et beaucoup de plaisir de jouer. C’est aussi valable pour nos supporters et nos dirigeants. Maintenant, c’est bien d’aller en finale, mais ce serait encore mieux de la gagner. D’un autre côté, ça permet aux deux grands clubs ayant une histoire et un passé au niveau local, maghrébin et africain de se retrouver en finale. Ces deux clubs n’ont d’ailleurs pas le droit de décevoir ceux qui suivront ce match en Algérie et ailleurs parce qu’aujourd’hui, avec l’explosion des médias, la finale sera suivie partout, du moins dans le Maghreb et dans certains pays africains. Les deux clubs doivent donc donner une bonne image et confirmer leur bonne réputation à l’échelle africaine. D’autre part, il faut montrer que le football algérien est en plein renouveau. Il y a des résultats, il se retrouve en Coupe du monde pour la quatrième fois et est le seul représentant du Maghreb et du monde arabe. Il ne faut vraiment pas décevoir tous ces gens-là ! La JSK et le MCA doivent donc nous procurer du plaisir,  montrer que les Algériens sont des gens bien éduqués, que nous savons accepter sportivement qu’il y ait un vaincu. D’ailleurs, il n’y a pas de drame à perdre une finale. Le fait déjà d’en jouer fait partie du palmarès d’un club. Donc, nous comptons sur la JSK et le MCA pour donner une excellente image du football algérien et du peuple algérien.
Vous pensez donc que cette finale attirera les regards sur un plan international ?
Oui, certainement. Lorsqu’on sait qu’un bouquet spécialisé en sport basé au Qatar a diffusé, ces dernières années, des derbies du championnat et plusieurs finales de Coupe d’Algérie, je pense que la finale JSK-MCA sera retransmise sur des chaînes arabes. Ce qui est sûr, c’est qu’une telle finale sera suivie au Maroc et en Tunisie.
Donc pour vous, un JSK-MCA est un match de stature internationale ?
Bien sûr ! A partir du moment que c’est une finale et qu’elle sera regardée dans certains pays, ce match prend une dimension internationale. Les téléspectateurs suivront le match, mais s’intéresseront aussi à ce qui se passe dans les tribunes. Certes, le spectacle sera surtout sur le terrain, mais la fête que créeront les supporters des deux clubs sera aussi suivie et scrutée. A l’étranger, les gens savent que les matches algériens importants attirent du monde et qu’il y a la fête dans les tribunes.
En quinze ans comme entraîneur de la JSK, vous aviez affronté le MCA à plusieurs reprises, que ce soit en championnat ou en Coupe d’Algérie, mais jamais en finale. Est-ce un regret pour vous ? Auriez-vous aimé faire une finale JSK-MCA ?
Entre la JSK et le MCA, il y a toujours eu des matchs acharnés, mais dans les limites de la sportivité. Je ne me rappelle pas avoir assisté à des matches avec des dépassements car ce sont deux clubs qui ont toujours été dirigés par des personnalités importantes. Les joueurs se connaissaient et se rencontraient. Quand les matchs se terminaient, c’était les embrassades. Pour en revenir à votre question, je vous réponds par ceci : qui n’aimerait pas faire une finale JSK-MCA ? Cela dit, il y a des matchs de Coupe d’Algérie entre les deux clubs qui étaient plus que des finales. La référence reste le match des huitièmes de finale de 1983 et c’est malheureux qu’on n’en parle pas souvent. C’était au stade du 5-Juillet, par un temps ensoleillé, sur une très belle pelouse et devant des gradins pleins à craquer. Il y avait 80 000 spectateurs, sans compter des milliers qui n’ont pas pu accéder au stade. Il y a eu des renversements de situation durant le match, pas moins de cinq buts dont un dans le temps additionnel qui a fait basculer la rencontre. C’était un beau but que nous avions tous apprécié, moi en premier, même si j’étais entraîneur de la JSK. Il y avait deux artistes sur le terrain : Ali Benlahcène «Tchipalo» d’un côté et Ali Bencheikh de l’autre. Ça jouait des deux côtés, il n’y avait pas de temps mort. Bref, tous les ingrédients étaient réunis pour faire un grand match. Quel régal ! Surtout, quel bel exemple de fair-play ! Malgré l’élimination, j’ai énormément apprécié ce match.
Soyez franc : est-ce que vous en aviez voulu à Kamel Abdesselam pour son erreur d’inattention (il s’était baissé pour attacher son lacet, ndlr) qui avait permis à Bencheikh de marquer le troisième but, celui de la qualification pour le Mouloudia ?
On ne peut pas en vouloir à un joueur pour une erreur pareille ! Ce n’était pas une erreur individuelle technique, comme par exemple essayer de dribbler un joueur adverse en défense et se faire subtiliser le ballon. Il était un peu en retard dans l’action, ce qui avait cassé la ligne du hors-jeu. Ce n’était pas volontaire. De plus, le ballon n’était pas tombé entre n’importe quels pieds. Il est parvenu à Bencheikh qui, comme «Tchipalo», était capable à lui seul, sur une action individuelle, de faire gagner un match. Donc, je n’en ai pas voulu à Abdesselam. Un joueur du MCA aurait pu commettre la même erreur.
La JSK n’a remporté que 5 fois la Coupe d’Algérie, dont 2 fois seulement avec vous comme entraîneur, ce qui est peu au vu de son palmarès. Pourquoi cette compétition ne vous a-t-elle pas souvent réussi ? Est-ce parce que, comme le pense Stefan Zywotko, les adversaires de la JSK se préparaient spécialement pour vous battre ?
Les matches de coupe sont toujours disputés, à n’importe quel niveau et quel que soit le stade de la compétition. En championnat, je suis d’accord avec mon ami et mon frère Stefan, que je salue à partir d’Alger et que j’aurais aimé voir parmi nous. Malheureusement, son âge avancé et la maladie de sa femme font qu’il ne peut pas quitter la Pologne. En tout cas, je sais qu’il est de tout cœur avec la JSK. Donc, oui, les équipes mettaient toutes le paquet contre la JSK. C’était pour elles le match de l’année. Ce n’était donc pas facile pour nous. Nous n’avons pas eu beaucoup de réussite en coupe, mais il faut dire que nous nous sommes fait éliminer souvent par de grands clubs : le MCA, l’USMA, le CRB… On s’était même fait éliminer par de petites équipes comme celle du Clos-Salembier (IRB El Madania, ndlr). C’est ce qui fait le charme de cette compétition. De plus, il faut dire que nous ne pouvions pas suivre plusieurs lièvres à la fois. Nous étions engagés dans plusieurs compétitions. Nous avions des joueurs importants qui jouaient en Coupe d’Afrique avec la sélection nationale et, par conséquent, il y avait des moments où nous n’étions pas très bien préparés et nous passions à côté, soit dans le match ou aux tirs au but.
Vous avez cité l’élimination contre le Clos-Salembier, laquelle est inscrite dans les annales du football algérien. Que s’était-il passé au juste lors de ce match ?
Il se trouve qu’il y a des équipes sans beaucoup de moyens, mais qui étaient performantes sur le terrain. Cette équipe en fait partie. Si elle avait disposé des moyens que la JSK avait, elle aurait obtenu de très bons résultats. Le Clos-Salembier est un quartier qui a enfanté beaucoup de très bons joueurs qui ont fait les beaux jours de grands clubs comme la JSK ou le CRB. Lors de ce match, deux joueurs avaient fait la différence : le gardien de but Yacine Bentalaâ et l’arrière central Kamel Naït Yahia. Ils avaient brisé toutes nos attaques, surtout sur les balles aériennes. Puis, nous avions perdu aux tirs au but. D’ailleurs, comme j’avais une vision lointaine des choses, j’avais décelé en Bentalaâ le futur gardien de but moderne et c’est pour quoi je l’avais pris en sélection nationale quelques années plus tard. Je ne pouvais pas le prendre à la JSK, car nous avions déjà trois bons éléments : Mehdi Cerbah, Abderazzak Harb et Mourad Amara qui arrivait. En revanche, j’avais ramené Naït Yahia à la JSK.
Parlons d’un fait particulier qui avait suivi la finale de 1992 remportée par la JSK contre l’ASO à Oran : vous n’étiez plus entraîneur de la JSK, mais vous étiez descendu sur le terrain afin d’empêcher Abderazzak Djahnit de monter à la tribune officielle pour récupérer sa médaille. Est-ce pour le sanctionner pour avoir été expulsé au cours du match ?
Oui, c’était pour ça. Quand on se fait expulser bêtement dans un match de cette importance, on met son équipe en danger. Heureusement qu’on peut faire un résultat même en étant numériquement diminués grâce à l’expérience, comme l’avait fait la JSK ce jour-là, mais ce qu’avait fait Djahnit était inadmissible. On ne peut pas féliciter un joueur expulsé ! Le joueur a abandonné son équipe. C’était une question de discipline. C’est pour ça que je lui ai fait des remontrances. C’est comme si, en étant déjà averti, on enlève délibérément son maillot après avoir inscrit un but, s’exposant ainsi à un deuxième carton synonyme d’expulsion. D’ailleurs, soit dit en passant, je n’ai jamais compris pourquoi les joueurs enlèvent leurs maillots après un but !
Ce qui avait surpris les observateurs, c’est que vous n’étiez plus entraîneur de la JSK puisque c’était Nour Benzekri et Moh Younsi qui étaient les entraîneurs ce jour-là, mais vous aviez quand même sanctionné Djahnit…
Mon cher ami, je n’ai jamais quitté la JSK car c’est chez moi. J’ai passé 22 ans dans ce club. De plus, c’est moi qui avais élevé tous ces jeunes joueurs, dont Djahnit. Donc, les gens acceptent que j’intervienne discrètement le cas échéant. Ils apprécient même. Personne ne peut s’opposer à mes positions dans ce club qui est ma deuxième famille.
Quel conseil donneriez-vous aux joueurs de la JSK pour la finale de ce jeudi ?
Je ne veux pas intervenir directement dans le domaine technique.  Ce serait un manque de respect envers l’entraîneur. Azzedine Aït Djoudi est un charmant garçon. Il a ses diplômes d’entraîneur. Il s’est formé chez moi, à la JSK. Il y a un respect mutuel entre nous deux. Je ne peux donc pas venir comme ça et donner des conseils aux joueurs ! Ça risque même de provoquer des susceptibilités parmi les joueurs. Tout ce je peux faire, c’est d’encourager les joueurs, comme le fait le président et le font les supporters, mais je ne peux leur dire qu’il faut jouer comme ci et pas comme ça. Je me l’interdis.
Vous n’avez même pas un conseil à leur donner au sujet de l’état d’esprit qui doit les animer ?
Je ne suis pas avec eux. Depuis le déjeuner qui a eu lieu à Blida où je les avais salués, je ne les ai plus revus. Je peux, au détour d’une discussion informelle, glisser quelques petits conseils à Azzedine, comme par exemple rester concentré, éviter de s’énerver, être toujours unis, ne jamais s’affoler et, surtout, être efficace sur la moindre occasion de but qui se présente car il se pourrait qu’il n’y en ait pas beaucoup.  Le plus important est d’être à la hauteur de cette belle fête et que les deux équipes donnent une très belle d’image d’elles.
 

Publié dans : mca bencheikh JSK Khalef

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