Nostalgie

Amara : «L’assassinat de Boudiaf nous avait bouleversés»

«En écoutant Matoub avant chaque match, on avait la chair de poule»

Auteur : Lyès AOUICHE mercredi 18 décembre 2019 02:04

Mourad Amara est un nom qui a marqué toute une génération. A 18 ans, il intègre le club phare de toute une région, celui que beaucoup de joueurs ont toujours rêvé de porter les couleurs. Durant une quinzaine d’années de bons et loyaux services au sein de la formation du Djurdjura, l’ancien gardien de but international a gagné beaucoup de titres nationaux, continentaux et porté fièrement les couleurs de la sélection nationale dans plusieurs compétitions. Pendant sa carrière de joueur, il a sans doute connu des hauts et des bas et dans cet entretien qu’il a aimablement accepté de nous accorder, il revient sur quelques étapes qui l’ont marqué.

Parlons d’abord de votre actualité, que faites-vous ces derniers temps ?
Ecoutez, nous avons passé toute notre vie sur les terrains de football, il est temps maintenant de s’occuper un peu de sa propre famille. Mes enfants, que je n’ai presque pas vu grandir, sont aujourd’hui grands, et là j’essaye de me rattraper en m’occupant de mes petits-enfants. Je profite du moindre instant avec ma famille et cela me fait beaucoup de bien.

Votre nom est directement lié à la JSK symbole de toute la région, comment avez-vous rejoint ce club ?
J’étais encore très jeune, 17 ans plus exactement quand j’ai été contacté pour rejoindre ce monument du football national. J’ai été retenu dans la catégorie junior sachant qu’il y avait déjà deux parmi les meilleurs gardiens du pays, en l’occurrence Mehdi Cerbah et Abderazak Harb. Toutefois, et ce que je dois souligner c’est que je m’entraînais avec les seniors sous la houlette de Khalef, et le jour du match je rejoignais ma catégorie.

Et vous n’avez pas mis beaucoup de temps pour accéder au rang de senior…
Tout à fait, déjà avant je jouais beaucoup en senior notamment pendant les stages de préparation puisque nos deux gardiens, Cerbah et Harb, étaient régulièrement convoqués en sélection. Je jouais pratiquement tous les matchs amicaux, ce qui a fait que mon accession en senior s’est concrétisée rapidement.

Et quel a été votre premier match en senior avec la JSK ?
Ce fut lors de la saison 79/80, je me rappelle comme si c’était hier. Alors que Cerbah était parti au Mexique, il ne restait que Harb dans l’effectif, donc on m’a directement signifié qu’il fallait monter en équipe première. Comme par hasard, mon premier match officiel ce fut contre le MCA dont tout le monde connaît la particularité. Dieu merci, c’était un début réussi, si mes souvenirs sont bons, on a gagné 2-1.

Sûrement ç’a été pour vous un moment fort dans votre carrière ?
Effectivement après le départ de Cerbah qui était l’un des meilleurs gardiens de l’époque, la mission de le remplacer n’était pas facile surtout qu’il était adulé par tout le monde, notamment les supporters. J’ai pris mes responsabilités et comme je vous l’ai dit, j’ai réussi ma première mission et du coup c’était un début d’une carrière avec l’équipe première.

Et c’est le début d’une carrière remarquable avec les Jaune et Vert…
Je viens de le dire, c’était un début qui a été couronné en fin de saison par le titre de champion et à la faveur de quoi on a participé une année plus tard à la Coupe des clubs champions qu’on a d’ailleurs aussi gagnée. C’était la grande équipe du Jumbo-Jet. A 20 ans, j’ai gagné le championnat, la coupe d’Afrique et participé aux Jeux olympiques de Moscou avec la sélection nationale.

Durant votre carrière, vous avez aussi accédé au rang d’international et pris part à bon nombre de compétitions…
Voilà exactement, avec la sélection nationale aussi j’ai participé aux deux Coupes du monde de 1982 et 1986 et les coupes d’Afrique des nations. J’étais jeune encore quand j’ai joué tous les matchs des Jeux olympiques à Moscou.

Que retenez-vous spécialement de toute votre carrière footballistique ?
Ecoutez, nous étions une grande équipe de la JSK qu’on surnommait le rouleau compresseur. J’ai gagné presque tous les titres avec la JSK, championnat, coupe d’Algérie et coupe d’Afrique. L’équipe était comme une machine qui a gagné beaucoup de titres. On a fait presque tout le continent et même d’autres pays du monde. J’ai connu beaucoup de bons souvenirs avec une génération en or.

Vous avez déjà dit que la coupe d’Afrique gagné en 1990 fut pour la JSK un défi…
Exactement, c’était l’année où la JSK a traversé une période très difficile. Notre entraîneur Khalef est parti, l’ENIEM s’est retiré, donc du coup nous nous sommes retrouvés face à de sérieux problèmes. Mais on s’est donné le mot pour relever le défi et, Dieu merci, nous sommes parvenus à revenir en Algérie avec la coupe. Beaucoup de gens ont contribué à la consécration, en présence parmi nous du défunt monument de la chanson kabyle, Lounès Matoub, qui a fait le déplacement avec nous.

Justement, l’histoire retient qu’il a toujours été à vos côtés et vous a toujours motivés…
Absolument, le défunt Matoub nous a toujours encouragés et nous parlait beaucoup. Le jour de la finale, il nous a encouragés et, croyez bien qu’on avait la chair de poule au point où on ne pouvait pas rater un tel rendez-vous. Ses mots ont fait que nous nous sommes sacrifiés sur le terrain pour décrocher le trophée.

Votre carrière à la JSK s’est terminée exactement en 1992 avec une coupe d’Algérie…
J’ai commencé ma carrière à la JSK avec un titre et j’ai terminé avec la coupe d’Algérie qu’on a reçue des mains du défunt Président Mohamed Boudiaf. Voilà, c’est la consécration qui m’a marqué le plus puisque trois jours plus tard, nous avons appris que notre président avait été victime d’un lâche assassinat. Trois jours avant, il nous avait remis le trophée et nous avait félicités. Nous étions tous bouleversés, un homme historique et révolutionnaire que nous n’avions pas connu avant, malheureusement. C’est pour moi une chance d’avoir serré la main à une figure historique de notre pays.

Certains disent que Mourad Amara avait son tempérament, un joueur qui s’énerve rapidement, quel est votre avis ?
C’est l’avis de certains qui me l’ont toujours reproché, mais sachez que j’ai toujours joué sportivement et avec l’amour du club. Parfois ça nous est arrivé de nous emporter, certes, mais dans les limites de la correction. Je considère toujours ça comme des erreurs de jeunesse, c’est tout, sinon je ne garde rancune à personne. J’ai défendu les couleurs de la JSK dignement et dîtes-vous bien que de notre temps, la JSK, ce n’était pas que sur le terrain… même en dehors.
 
Comment cela ?
Ecoutez, quand vous êtes insultés dans tous les stades… ça nous révoltait énormément. Nous sommes une grande région qui a tout donné pour ce pays pendant la guerre de libération et qu’on nous traite de tous les noms ça nous touchait dans notre amour-propre. La JSK ce n’était pas qu’un club de football, mais c’était aussi le porte-voix de toute une région, ce qui explique parfois mes réactions sur le terrain. Ce n’est plus la même époque.

Il y a eu pendant votre carrière de joueur cet incident avec le défunt entraîneur et sélectionneur Abdelhamid Kermali, quelle est votre version des faits ?
Honnêtement, je n’aime même pas évoquer ça parce que c’est tout simplement un scénario monté de toute pièce. Ceux qui ont été à l’origine de toute la polémique de l’époque ont voulu m’écarter de la sélection nationale. Pour moi, il ne s’est rien passé sur le terrain, alors absolument rien, je n’ai jamais agressé Kermali c’était tout simplement un montage vidéo de la télévision, voilà tout. Et puis il y a plus grave encore…

Quoi ?
A l’époque, personne n’avait le courage de critiquer ouvertement notre entraîneur Mahieddine Khalef, et du coup il fallait bien trouver par qui ou par quoi l’atteindre. C’est malheureusement à travers moi qu’ils ont essayé de déstabiliser Khalef. Je le dis et je le répète : je n’ai jamais agressé Kermali ! Les faits sont clairs, il a pénétré sur le terrain et demandé à l’arbitre d’arrêter le match. Moi en tant que capitaine j’ai demandé à l’arbitre de le faire sortir, c’est tout. Je ne l’ai même pas touché, ce sont les images vidéo qui ont été truquées, pour montrer que je l’avais touché.

Est-ce que vous vous êtes rencontrés après cet incident avec Kermali ?
Oui, quelques mois après cette mise en scène, j’ai rencontré le défunt Kermali à Tizi Ouzou à l’occasion d’un match contre l’US Chaouia, dont il était l’entraîneur. Le président Yahi est toujours là pour témoigner qu’on s’est parlé normalement, moi et le défunt Kermali. On a été même conviés à dîner ensemble. Dites-vous bien aussi qu’il m’a dit que je ne l’avais pas agressé et qu’il avait regretté toutes ces déclarations à la presse.

Et vous avez écopé d’une lourde sanction…
J’ai écopé de cinq matchs de suspension, mais croyez bien que les gens qui étaient derrière cette mise en scène ont tout fait pour me radier du football. Dieu merci, j’ai repris la compétition et gagné d’autres titres. J’ai aujourd’hui la conscience tranquille je n’ai jamais touché à l’intégrité physique du défunt Kermali et si j’étais coupable, je l’aurais dit, je n’ai peur de personne. Tout ce qui s’est passé c’est parce qu’il y avait le titre de champion en jeu.

En Afrique aussi, il y avait aussi ce souvenir avec l’Espérance de Tunis, et la lourde sanction dont vous avez écopé, le club et certains joueurs, que dîtes-vous de cela aujourd’hui ?
Franchement, je n’aime pas trop évoquer ces événements regrettables. En Tunisie, tout le monde sait que nous avions été victimes d’un arbitrage scandaleux qui voulait à tout prix éliminer la JSK de la course. On était directement visés et on a tout fait pour nous provoquer. Je regrette beaucoup ce qui s’est passé, en particulier pour le club qui a écopé d’une sanction de deux ans, je crois, de suspension de la compétition.

Vous êtes quand même parmi les joueurs les plus titrés à la JSK…
Malheureusement, on n’aime pas parler de nous comme si nous ne sommes jamais passés par ce club. Aujourd’hui, je constate que des anciens joueurs qui n’ont gagné qu’un seul titre avec leurs clubs respectifs n’arrêtent pas de parler, ils sont sur tous les plateaux de télévision alors qu’il y a toute une génération à la JSK qui a dominé et sur le plan national et en Afrique, on fait tout pour les effacer de la scène sportive nationale, c’est malheureux !

Parlez-nous des circonstances de votre retraite, beaucoup disent que c’est l’ex- président Hannachi qui vous a prêté à la JSBM ?
Tout cela est faux. Certes, physiquement j’étais encore en mesure de continuer mais je n’avais plus le moral à poursuivre avec la JSK. J’ai été contacté par le défunt Tahanouti, un grand président qui m’a sollicité pour venir à Bordj. Il m’a fait savoir que leur gardien Sid Rouhou était suspendu et, du coup, il me voulait dans son équipe pour leur donner un coup de main. J’ai joué à la JSBM bénévolement sans toucher le moindre sou. J’ai joué quatre matchs à la JSBM, une fois la suspension de Sid Rouhou   levée, j’ai arrêté définitivement.

La JSK est de retour sur la scène continentale après plusieurs années d’absence, qu’est-ce que ça vous fait ?
Personnellement, je suis très content pour le retour de la JSK sur le plan continental. Cela fait plusieurs années que le club est absent. Je leur souhaite bonne chance et que le club retrouve les titres comme avant. La JSK est un club particulier, il a été créé pour gagner des titres et j’appelle tous les amoureux du club à lui rester toujours fidèles.

 

 

Publié dans : yahi Khalef kermali matoub Mourad Amara Mohamed Boudiaf

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