Giresse : «J’ai eu l’impression que les joueurs algériens avaient peur pour leurs jambes»

 Le sélectionneur du Mali, Alain Giresse, analyse avec beaucoup de lucidité cet échec des Verts dans cette CAN 2017. Sans langue de bois et avec beaucoup d’objectivité, l’ancien meneur de jeu des Girondins de Bordeaux estime que l’Algérie ne pouvait espérer un meilleur sort avec des joueurs incapables d’évoluer à leur véritable niveau. Pour cette finale qui mettra aux prises l’Egypte avec le Cameroun, l’ancien sélectionneur du Sénégal et du Gabon ne semble pas du tout surpris arguant du fait qu’il s’agit de deux grandes nations du football africain qui reviennent à leur véritable place. 

Coach, le Cameroun et l’Egypte animeront la finale de la CAN 2017 au Gabon, une petite lecture de cette affiche ?
Je vois que ça surprend certains alors qu’il s’agit de deux grandes nations du football africain. Je ne suis pas d’accord avec ceux qui disent qu’on ne les attendait pas là, c’est le Cameroun et l’Egypte quand même. Maintenant, les Egyptiens ont été impressionnants, ce que je trouve très intéressant est que cette nation a raté les trois dernières CAN mais ils ont travaillé pour devenir un exemple de réussite. C’est la meilleure réponse aux adeptes de tout refaire et casser le boulot des prédécesseurs. Ils n’ont pas gagné sept CAN pour rien et ils sont en passe de gagner une huitième en parallèle avec six points engrangés en deux matchs lors des éliminatoires CM 2018.
Le Cameroun revient aussi après une CAN 2015 ratée où ils ont été sortis du premier tour, ces Lions vous surprennent ?
Non, ça reste le Cameroun ! Vous allez me dire qu’ils se sont passés de huit joueurs essentiels qui n’ont pas pu faire la CAN mais le potentiel de cette nation est énorme. Ils ont su jouer avec leurs qualités d’aujourd’hui, c'est-à-dire avec un jeu rigoureux et une grande envie de gagner. Après, lorsque vous me dites Egypte-Cameroun en finale de Coupe d’Afrique, je trouve qu’il n’y a rien de surprenant ni encore moins un exploit pour deux nations du football réputées du continent. 
Ce n’est pas le cas de l’Algérie qui reste sur un point de pris en éliminatoires CM 2018 et une sortie précoce en Coupe d’Afrique, peut-on dire que cette sélection est en crise ?
Oui, cela très vite pour cette équipe algérienne. Après sa Coupe du monde 2014 et les qualifications à la CAN, l’Algérie était au Zénith et tout d’un coup la machine s’est déréglée. Vous allez me dire pourquoi et comment ? Ça sincèrement, je préfère laisser la réponse aux responsables de cette équipe algérienne mais une chose est sûre sur cette CAN, l’Algérie n’a pas montré le visage de cette équipe qu’on a vu il y a un en et demi avant, avec des joueurs de qualités qui faisaient d’elle un grand favori. 
Certains évoquent l’instabilité au niveau du staff technique et le départ de Gourcuff comme principales raisons de cet échec, est-ce votre avis ?
Je ne suis pas bien placé pour savoir ce qui s’est passé vraiment en interne mais il est vrai que par rapport au travail que Christian Gourcuff faisait avant son départ, les changements d’entraineurs a créé un décalage par rapport au potentiel du joueur algérien et les résultats qui n’ont pas suivi. C’est en totale inadéquation et cela veut dire qu’il faut vite remettre de l’ordre et restructurer cette équipe, surtout que le potentiel existe. 
Coach, on reproche aux joueurs de n’avoir pas été agressifs dans le jeu, certains disent qu’ils avaient même peur pour leurs jambes, avez-vous eu cette impression en tant qu’entraineur chevronné du continent ?
Oui, j’ai eu cela comment sentiment, je crois tout comme la Côte d’Ivoire, j’ai eu l’impression que ces deux équipes avec pas mal de grands joueurs qui évoluent dans des grands clubs européens ont manqué de détermination, chose un peu attendue. Je crois qu’ils ont voulu se protéger un peu par rapport à leur statut dans leurs clubs, surtout qu’ils seront bientôt appelés à disputer la Ligue des champions, d’où la problématique de la programmation de la CAN en cette période de l’année. Les joueurs sont des humains, il faut se mettre à leur place. C’est pour cela aussi que j’ai toujours dit que c’est très difficile de gérer une CAN pendant cette période de l’année. 
Pourquoi cette équipe est passée d’un potentiel de favori à une équipe malmenée ?
 Vos interrogations sont valables, parce qu’effectivement certains joueurs se sont réservés pour éviter les blessures. En regardant jouer l’Algérie, je me suis dit, ce n’était pas possible de régresser d’une telle manière. Je ne reconnaissais plus cette équipe qui a émerveillé le monde en 2014 où ça partait dans tous les sens, où il y avait de la détermination, de la générosité et de l’engagement mais là dans cette CAN, ce n’était pas du tout le cas. Je ne sais pas pourquoi mais c’est surtout en raison de cette période difficile de l’année où un joueur ne peut se concentrer sur une CAN en sachant qu’il a un 8e de finale de la Ligue des champions à jouer. Je dois dire aussi que l’Algérie n’avait pas l’engagement qu’on lui connaît, en tout cas pas suffisamment pour espérer mettre en exergue son jeu et s’exprimer à son vrai niveau parce que vu son parcours en éliminatoires de la CAN et son potentiel, elle devait être au rendez-vous. 
Leekens est parti, vous êtes pressenti pour lui succéder, une réaction ?
Je crois qu’après une CAN, on est tous dans l’attente. Moi, je suis toujours en place au Mali mais on ne sait pas trop ce qui va se passer par la suite. Pour le moment, je ne peux rien présager. Seulement, je sais une chose, il faut remettre de l’ordre. 
 Merci coach Giresse et je vous souhaite bonne chance. 
Il n’y a pas de quoi, il faut tirer les enseignements de ces échecs. Prenez l’exemple de l’Egypte, ils ont touché le fond mais ils sont là, en finale et en route pour gagner une autre CAN, il faut arrêter de tout détruire. 

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